14 mai 2017
Actes 6, 1-7 1 Pierre 2, 4-9 Jean 14, 1-12
Dans les années 60, il est arrivé ceci : Un père de famille venait de perdre un de ses enfants dans un accident de la circulation. Un prêtre âgé est venu lui rendre visite et, pour le consoler, il a risqué une parole : « Maintenant, votre fils chante la gloire de Dieu ! » Réplique désabusée du père : « Chanter la gloire de Dieu ! C’est-y une occupation pour un gars de 20 ans ! »
Avoir la parole juste devant un drame, c’est peut-être d’abord se taire. On comprend la réaction du père en même temps qu’elle nous interroge. Naturellement, nous attendons de Dieu qu’il soit à notre service en nous évitant les épreuves. Quelle relation juste pouvons-nous avoir avec lui ? Quelle relation veut-il avoir avec nous ? Et comment imaginons-nous l’au-delà de notre vie ?
Nous le voyons d’abord tout au bout de la vieillesse. La mort d’un jeune déclenche toujours une réaction d’incompréhension et de révolte.
Nous pouvons imaginer cet au-delà comme une entrée dans un vide absolu ou bien comme les retrouvailles avec les personnes qui nous ont aimés et que nous avons aimées.
L’idée que notre mort pourrait être une réponse à l’appel d’un Dieu qui est Père ne nous est pas spontanée. Dans les avis d’obsèques, on trouve encore cette expression : « Dieu a rappelé à lui son serviteur… »
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Notre vie ressemble donc à un voyage, plus ou moins long. Quand un homme ordinaire, arrivé à un certain âge, prend le temps de regarder sa vie, il peut observer une chose simple. Il a pris trois ou quatre décisions majeures qui ont orienté sa vie. Par exemple, il a choisi telle formation parce qu’il voulait telle forme d’emploi. Il s’est marié ou il est resté célibataire….
A partir de là, il peut observer que pour avancer dans son projet, il a pris au quotidien une foule de micro-décisions qui, plus ou moins consciemment, étaient en harmonie avec le but qu’il voulait atteindre. En bref, il s’est imposé une discipline de vie.
Ainsi notre vie est ponctuée de micro-décisions, qui s’enchaînent les unes derrière les autres. Mais si on n’y fait pas attention, il peut arriver que ces décisions intermédiaires prennent tellement d’importance qu’on en oublie le but principal. Il y a quelque part dans la littérature chrétienne une réflexion du genre de celle-ci : « Malheureux l’homme qui est tellement captivé par les pâquerettes qu’il admire au bord de son chemin et qu’il en oublie de poursuivre sa route ! »
Comment serons-nous accueillis par Celui que nous appelons Notre Père. En même temps que nous découvrirons qui nous avons été, il nous proposera sa miséricorde. En attendant cette rencontre, Jésus est le fidèle compagnon de voyage que nous avons choisi de suivre. Non seulement il connaît le chemin mais il est le chemin.
Parcourir le chemin en se trompant sur le but à atteindre, c’est ce que faisaient les apôtres. Un soir, Jésus les a réunis pour le repas pascal. Au cours de ce repas, après le lavement des pieds et le départ de Judas, il leur annonce son propre départ. Cette in-formation bouleverse les apôtres et il doit les rassurer. Il va les quitter, c’est vrai, mais il ne les abandonne pas ; il va leur préparer une place dans la maison de son Père. Quand leur place sera prête, il reviendra les chercher ! Quand ? Il ne le dit pas.
Jésus et ses apôtres ne sont pas branchés sur le même projet. Le royaume de Jésus n’est pas de ce monde. Il n’envisage pas de chasser les Romains. Sa mission est de conduire l’humanité vers son Père. Et donc, il n’imagine pas d’arriver tout seul au-près de lui. Il ne nous demande pas de le suivre pour être éternellement derrière lui, avant d’arriver nulle part. Il nous conduit jusqu’à la porte de la maison de son Père pour y entrer avec lui. La maison du Père, c’est où ?
Thomas pose une question de bons sens. Quel chemin peut-on prendre quand on ne sait pas où on va ? ! Jésus répond qu’il est le chemin, l’unique chemin qui conduit vers le Père. Etre avec le Père, voilà la destination. Il n’en dit pas plus.
Philippe intervient alors pour dire qu’il ne se sent pas concerné par une rencontre avec le Père. Ce Père n’est pour lui qu’une relation qui se trouve dans le carnet d’adresses de Jésus. « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. »
Jésus est comme suffoqué par la remarque de Philippe. Comment peut-il dire une chose pareille ? Jésus et son Père sont à la fois distincts et inséparables. On découvre le Père en regardant les œuvres de Jésus. « Le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres. »
Quand nous serons accueillis par le Père, nous découvrirons que nous sommes plongés au cœur de la source de l’Amour qui nous a construits tout au long de notre vie. Nous avons été construits par le canal des personnes qui nous ont aimés, accompagnés, réprimandés et soutenus dans les moments difficiles. Il est aussi la source de l’Amour que nous avons donné, parfois dans les situations difficiles que nous avons dû affronter. L’amour de ceux qui nous ont aimés est purifié. Le nôtre le sera.
Purifiés de toutes les scories qui auront défiguré notre vie, nous serons devenus capables d’une seule chose : aimer comme Dieu le Père nous a aimés.
Pour en arriver là, Jésus nous demande deux choses : avoir foi en lui et le suivre !
En nous unissant à la Prière Eucharistique, pourrions-nous essayer de repérer ce qui est dit du Père, du Fils et de l’Esprit.
D. Boëton