Exode 20,1-17                    1 Corinthiens 1, 22-25                       Jn 2 13-25

 

Il est banal de dire que la messe commence par un chant qui accompagne l’entrée du prêtre qui préside l’assemblée. C’est ainsi depuis le 8ème siècle, avec cette différence qu’autrefois c’est un psaume qui était chanté. Dans tous les missels, chaque messe commence par quelques lignes qui ont pour titre « Antienne d’ouverture ».

Aujourd’hui, une antienne pour ce 3ème dimanche de carême est tirée du Psaume 24 et commence ainsi : « J’ai toujours les yeux sur… » En prenons ces mots à notre compte pourrions-nous dire sur quoi nos yeux s’attardent. Concrètement….

 

En voiture, j’ai l’œil sur la route,  le rétroviseur, l’indicateur de vitesse. Pour le reste, j’ai l’œil sur ma montre, mon agenda, Internet, le Smartphone, les programmes Télé, le rôti dans le four, le cours de la Bourse, le lait sur le feu et j’ai toujours les yeux sur les enfants.

Nos préoccupations sont variées selon nos responsabilités, notre âge, notre situation.

 

« J’ai toujours les yeux sur… » L’adverbe ‘toujours’ est quand même agaçant. Il évoque une emprise totale, une obsession ou une fidélité inconditionnelle, ou au pire un rétrécissement de notre champ visuel ! Ce que je regarde toujours, c’est peut-être en priorité ce qui me donne un sentiment de sécurité.

 

La phrase complète du Psaume dit ceci : « J’ai toujours les yeux sur le Seigneur, lui qui dégage mes pieds du filet. » Qui est ce Seigneur ? Le Livre de l’Exode donne une réponse : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. »

S’il arrive qu’un filet assure ma sécurité, il arrive aussi qu’il entrave ma marche. Le Seigneur qui a libéré son peuple de l’esclavage en Égypte peut délier les liens qui neutralisent mon épanouissement. Encore faut-il identifier ce que je maitrise et ce qui me paralyse.

*

Mon regard sur le Seigneur ne s’ajoute pas à mes autres regards.

Regarder le Seigneur et accepter d’être regardé par lui m’aide à ouvrir une route dans le fouillis de mes désirs parfois ambigus et contradictoires. Il m’aide à mettre chaque chose à sa juste place, à établir des priorités. « Tu ne feras aucune idole, aucune i-mage de ce qui est là-haut dans les cieux »- « Tu ne convoiteras pas ce qui appartient au prochain. » -« Honore ton père et ta mère.

*

C’est banal de dire que Jésus avait les yeux toujours sur son Père.  C’est ce regard qui lui a permis d’apprécier ce qui se passe au Temple de Jérusalem. Les pèlerins de toutes les parties de l’empire venaient au Temple de Jérusalem pour offrir des animaux en sacrifice. C’était du bon sens de leur éviter d’avoir à les traîner le long des routes. De multiples monnaies étaient autorisées dans l’empire romain. C’était pratique de faire le change sur place. Si je veux mettre un cierge dans cette chapelle, c’est quand même plus pratique de l’avoir à portée de main.

Jésus ne s’en prend pas au fait qu’il y ait des installations pratiques pour faciliter les

 

dévotions des pèlerins mais il met à nu le cœur des vendeurs. S’intéressent-ils à la démarche de foi des pèlerins ? Ont-ils d’abord les yeux sur le remplissage du tiroir-caisse.

Par la pente naturelle des choses, Dieu était devenu un filon pour gagner de l’argent.

*

Que le Seigneur nous regarde… et nous pourrons le regarder !

« J’ai toujours les yeux sur le Seigneur ». Pourrions-nous réaliser que ce regard que nous portons sur le Seigneur est une réponse. Le Seigneur a toujours les yeux fixés sur nous parce qu’il nous aime. Il attend notre regard. Davantage que le Temple, Jésus veut nettoyer notre cœur et mettre les choses en ordre dans notre vie.

Si j’ai toujours les yeux sur le Seigneur, ce n’est pas pour le confisquer, mais pour le suivre. Le carême est ce temps qui nous est donné pour purifier et réajuster notre regard.

*

Puisque nous voilà dans le mois de mars, regardons St Joseph. Sans doute, chaque matin, il embrassait sa femme avec affection mais jamais il n’a récité le « Je vous salue Marie » ! Cette prière qui nous est familière, s’est répandue dans l’Eglise à par-tir du 10èmes. Ce sont les Psaumes qui ont nourri la vie de prière de Joseph (et de Ma-rie). Comme beaucoup de juifs, il les a chantés dans son adolescence, sans se douter de ce que le Seigneur  attendait de lui.

« J’ai toujours les yeux sur le Seigneur, lui qui dégage mes pieds du filet. » Le filet de Joseph était bien sage. Il était sa sécurité. Comme tous les jeunes juifs, il voulait, en épousant Marie, avoir des enfants qui auraient des enfants, qui un jour seraient là pour accueillir le libérateur d’Israël. Et voilà que son projet de vie s’écroule quand il découvre que Marie attend un enfant. Finalement, le mariage sera célébré. Avec une discrétion exceptionnelle, Joseph sera l’acteur d’une mission unique : accueillir un enfant qui n’est pas le sien, apprendre, au Fils de Dieu, à devenir pleinement un homme enraciné dans l’Histoire de son temps. Les péripéties n’ont pas manqué : une naissance en catastrophe dans une grotte, une fuite en urgence vers l’Égypte, et puis une vie banale à Nazareth.

 

« J’ai toujours les yeux sur le Seigneur, lui qui dégage mes pieds du filet. » les filets qui nous paralysent peuvent être nos évidences enracinées dans une culture. Chaque fois que nous acceptons de nous laisser réveiller par les mots que nous donne la liturgie, nous pouvons faire des découvertes intéressantes.

D. Boëton