2ème lecture : II Thessaloniciens 3/7-20
7 Vous, vous savez bien comment il faut nous imiter : nous n’avons pas vécu parmi vous d’une manière désordonnée ;
8 nous n’avons demandé à personne de nous donner le pain que nous avons mangé, mais, dans la peine et la fatigue, de nuit et de jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun de vous.
9 Bien sûr, nous en avions le droit, mais nous avons voulu être pour vous un exemple à imiter.
10 En effet, lorsque nous étions près de vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus !
11 Or, nous entendons dire qu’il y en a parmi vous qui mènent une vie désordonnée, affairés sans rien faire.
12 A ces gens-là, nous adressons, dans le Seigneur Jésus Christ, cet ordre et cette exhortation : qu’ils travaillent dans le calme et qu’ils mangent le pain qu’ils auront eux-mêmes gagné ?
A propos de cette lecture
Les disciples de Paul avaient été recrutés dans le milieu « païen » de la cité cosmopolite de Salonique et surtout parmi les gens de très humble condition de cette ville portuaire. Très vite, il avait été l’objet de tracasseries de la part de l’intégrisme des judaïsants. Avec Silas il avait du quitter la ville pour échapper aux hommes de mains recrutés pour lui faire un mauvais coup (Actes 17/1-10). De là, le désir de l’Apôtre de leur écrire pour « compléter ce qui manque à leur foi » (I Th. 3/10). Paul tente de remédier notamment à un certain illuminisme dans l’interprétation de l’espérance concernant la venue du Seigneur.
Notre passage dénonce particulièrement une de ces « pourquoi travailler encore puisqu’on attend la fin du monde, » disent certains qui s’installent dans l’oisiveté. Paul rappelle ses correspondants « à côté de leurs pompes » à l’ espérance et les invite à avoir « les pieds sur terre ». Il s’agit de faire la distinction entre « imminent » et immédiat ». Imminent signifie « qui va se produire très prochainement ». Il ne s’emploie qu’à propos de noms d’action et ne qualifie donc jamais une personne. .
Immédiat, : sens instantané, soudain qui suit ou précède directement.
Il faut prendre conscience de la réalité nouvelle, définitive, déjà présente quoique non encore plénière du Règne de Dieu. Tout a changé depuis la Résurrection du Christ : dans le Christ ressuscité se trouve bien présent le germe définitif de l’avenir de l’homme, en Lui le Règne eschatologique est inauguré.
Le temps de l’Eglise est ce temps entre les deux – celui que nous vivons – et qui fait partie du mystère du salut caché en Dieu depuis toujours et manifesté en Jésus-Christ et qui attend toujours sa pleine manifestation qui sera réalisée au dernier jour.
Paul tente de remédier à un certain illuminisme, à une fausse compréhension de l’avenir qui démobiliserait les énergies et les engagements des croyants.
Une mauvaise compréhension du temps qui précède la venue, ce temps intermédiaire a conduit à des abus et à des négligences de la valeur eschatologique du temps de l’Eglise.
Certains ont cru que le retour du Christ était pour de suite et qu’il suffisait d’attendre, confondant immédiateté et imminence et donc qu’il suffisait d’attendre le retour immédiat du Seigneur. Alors pourquoi travailler ?
C’est pourquoi Paul ne craint pas d’inviter ces gens à l’imiter. On aurait tendance aujourd’hui à juger outrecuidante la prétention de se présenter comme un modèle à imiter. A deux reprises l’apôtre ne craint pas d’inviter ses correspondants à l’imiter. C’est un thème constant chez les prophètes : la foi se transmet par mimétisme. Il s’agit, ni plus ni moins, d’imiter Dieu. Paul ne se présente pas comme un modèle de vertus, mais comme un imitateur du Christ. Au service de l’évangélisation de la communauté, souvent faite de pauvres, Paul veut témoigner de la gratuité de Dieu, refusant d’émarger pour sa subsistance à la table de ses hôtes. Il travaille de ses mains et n’a jamais voulu être à charge de personne dans la communauté. Tel est le témoignage qu’il invite les Thessaloniciens à imiter, en réaction contre les interprétations fumeuses de l’apocalypse finale. Attendre et annoncer un autre monde ne peut être un alibi pour se désintéresser des exigences de la vie sociale ni pour se dispenser d’agir sur les mécanismes contraignants, en vue d’instaurer une autre manière de vivre dans la perspective d’un monde autre.
Aujourd’hui croit-on encore à la venue du Seigneur ? L’immédiateté a pris une telle importance que toute attente eschatologique ne trouve plus sa place. Nous nous trouvons dans une situation tout à fait opposée à celle des premiers chrétiens qui y croyaient et l’attendaient. Ce manque d’attente appauvrit certainement notre foi aujourd’hui et lui enlève tout dynamisme. Si les premiers chrétiens confondaient libération du joug romain avec le retour imminent du Seigneur, tous attendaient la venue du Royaume de Dieu, la descente du Fils de l’homme.
Le Père Moingt dans un de ses trois volumes « Dieu qui vient à l’homme » aborde le sujet en parlant de la résurrection : « s’il est devenu si difficile aux chrétiens de parler de la résurrection en termes intelligibles, cela ne tient pas au « mystère » de la chose prise en ellemême, dans sa réalité physique, mais au fait qu’on ne sait plus la penser comme l’ultime aventure de la race humaine, parce qu’on a coupé son lien à l’histoire du salut et que seul ce lien est capable d’en dire le sens : celui que l’histoire du salut donne à l’histoire humaine en s’identifiant à elle…..
« Quand on a constaté à quel point la prédication de Jésus, celle de Paul et des autres apôtres, la foi de leurs auditeurs juifs et celle des premiers chrétiens étaient imprégnées d’attente eschatologique, on n’évite pas de penser que là foi d’aujourd’hui s’est dangereusement appauvrie du fait de ne plus vivre dans une semblable attente. La foi des juifs de ce tempslà se confondait avec l’espérance d’une libération de leur peuple qu’ils attendaient d’un proche avenir ; la foi des premiers chrétiens, avec l’espérance d’un retour imminent du Ressuscité ; tous épiaient la venue du royaume de Dieu, la descente du Fils de l’homme, l’attente avivait l’espérance, qui soutenait la foi. Les chrétiens de notre temps attendent eux aussi une autre vie, ils espèrent voir Dieu, mais ce n’est pas le même type d’attente ni d’ espérance, car on n’attend pas`vraiment, avec impatience, ce qui viendra inéluctablement la mort et peut survenir à tout moment, pas plus qu’on n’aspire à la fin de sa vie comme on espère un avenir meilleur ; l’attente du ciel est purement individuelle, découplée du destin de l’humanité, elle est tournée vers un audelà, non vers un avenir, elle n’a plus de rapport au temps vécu….. »
Soulevée par l’espérance eschatologique, la foi des premiers chrétiens avait su se libérer du fardeau des lois religieuses, se désenclaver des sociétés closes du monde païen, s’ouvrir à la culture universelle ; sevrée de cette attente, la foi d’aujourd’hui perd la capacité d’accueillir les hommes des temps nouveaux, elle ne sait plus communiquer, faire histoire avec eux, donner une espérance de salut à l’humanité qui n’a jamais vécu ou qui ne vit plus sous sa loi.
Ce qui manque de ce fait à la foi n’est pas seulement de l’ordre de l’espérance, théologale ou humaine, mais de la plénitude de la foi et de l’intelligibilité de la foi.
La « résurrection de la chair » n’est pas un simple « article » de foi parmi beaucoup d’autres, elle est au centre de la prédication de .Jésus et des apôtres, elle est en quelque sorte le tout de la foi, puisqu’elle est le terme du projet du Père, la raison et le fruit de la venue du Fils, et le don de l’Esprit par qui nous transitons du Fils au Père, du temps à l’éternité, elle est le lien du sens qui rend cohérents tous les autres articles de la foi, ou mieux qui n’en fait plus qu’un, car elle dit le sens du trajet sur lequel la foi fait cheminer les croyants et également, qu’ils le cachent ou non, tous les hommes.
« La foi dans la résurrection a perdu ce sens plénier parce qu’elle a rompu son lien avec l’histoire vivante, celle qui se fait juste en avant de nous en sortant de notre plus récent passé ; elle l’a rompu, parce qu’elle ne voit plus le royaume de Dieu venir aux hommes de ce temps sous l’horizon de leur existence présente, caché au milieu d’eux, surgissant du futur comme une promesse du passé ».
Pour redonner sens à la résurrection universelle, les chrétiens ont besoin de la regarder venir à eux depuis les horizons de vie qui leur sont familiers, ainsi que Jésus, par ses paraboles, apprenait à ses auditeurs à le faire, car il n’a pas cessé d’être vrai que « les temps sont proches » .