2ième lecture : II Timothée 4/6-8.16-18

6 Pour moi, voici que je suis déjà offert en libation et le temps de mon départ est arrivé.
7 J’ai combattu le beau combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.
8 Dès maintenant m’est réservée la couronne de justice qu’en retour me donnera le Seigneur, en ce Jour-là, lui le juste juge ; et non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront aimé sa manifestation.

9 Efforce-toi de venir me rejoindre au plus vite. 10 Car Démas m’a abandonné par amour pour le monde présent. Il est parti pour Thessalonique, Crescens pour la Galatie, Tite pour la Dalmatie. 11 Luc seul est avec moi. Prends Marc et amène-le avec toi, car il m’est précieux pour le ministère. 12 J’ai envoyé Tychique à Ephèse. 13 Le manteau que j’ai laissé à Troas chez Carpos, apporte-le en venant, ainsi que les livres, surtout les parchemins. 14 Alexandre le fondeur a fait preuve de beaucoup de méchanceté à mon égard. Le Seigneur lui rendra selon ses œuvres. 15 Toi aussi, prends garde à lui, car il s’est violemment opposé à nos paroles.

16 La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a assisté, tous m’ont abandonné. Qu’il ne leur en soit pas tenu rigueur.
17 Le Seigneur, lui, m’a assisté ; il m’a revêtu de force, afin que par moi le message fût pleinement proclamé et qu’il fût entendu de tous les païens. Et j’ai été délivré de la gueule du lion !
18 Le Seigneur me délivrera de toute entreprise perverse et me sauvera pour son Royaume céleste. À lui la gloire dans les siècles des siècles ! Amen.

A propos de cette lecture :

Ici, il s’agit pratiquement de la finale de la 2ième lettre de Paul à son fils bien-aimé Timothée. Ce discours d’adieu n’est pas sans rappeler celui de Jésus au soir du Jeudi Saint et celui de Paul quand il quitte les anciens d’Ephèse. Ac. 20, 18-35
Sachant que sa fin est proche et que le moment de son départ est venu, Paul se dispose à paraître devant Dieu dans une confiance totale. L’apôtre fait le bilan de son œuvre missionnaire, d’une vie remplie de combats, de luttes mais aussi de la grâce extraordinaire que furent son appel et sa rencontre avec le Christ. C’est de la miséricorde de son Seigneur que Paul attend la couronne de justice. Même s’il a conscience de s’être bien battu pour le Christ, il n’en tire aucune vanité ; il sait ne devoir qu’au seul Seigneur de l’avoir rempli de sa force pour qu’il puisse annoncer la Bonne Nouvelle. Le ton tellement humain du vrai pauvre devant Dieu et les hommes est, ici, remarquable et émouvant. On peut regretter que le lectionnaire « en ait amputé les harmoniques les plus humaines pour n’en retenir que les aspects doctrinaux » Ruelle je vous invite donc à lire le passage en entier. Comme il arrive souvent à ceux qui vont mourir, Paul revoit le film de sa vie en plusieurs images.

Une image de libation : v. 6 « je suis déjà offert en sacrifice ».
L’expression est empruntée aux sacrifices rituels juifs et païens. Dans le sacrifice païen de libation, on versait une partie du vin sur la table, en offrande à la divinité. Dans le sacrifice juif, une partie du vin était versée dans le feu de l’autel. Paul laisse entendre que sa mort est une offrande sacrificielle. Dans son martyre qu’il sait être tout proche Paul sait que son sang « va être versé comme une offrande à Dieu » Reus. Ignace d’Antioche lui aussi avait ainsi compris sa mort : « je ne vous demande qu’une chose, c’est de laisser offrir à Dieu la libation de mon sang ». Il laisse entendre que sa mort est une offrande sacrificielle. La vie de Paul est déjà en train de se vider dans son don total, en offrande à Dieu jusqu’au bout. Paul a eu conscience pendant toute sa vie, qu’à travers ses souffrances multiples et de tous genres, il était déjà livré à la mort à cause de Jésus. En Ph. 2,17 et Rm. 12,2, Paul avait présenté la vie des baptisés comme la célébration d’un sacrifice spirituel. Au soir de sa vie, il peut dire en vérité qu’il est « déjà offert » : ce n’est plus qu’une question de jours.

v.6. « J’ai largué les amarres » :
C’est bien de son départ qu’il s’agit sous l’image du « voyageur qui replie sa tente en vue du départ ou encore celle du navire prêt à quitter le port et dont les amarres ont été larguées, l’ancre levée ». P. Dormier, dans Assemblée du Seigneur. Paul levant l’ancre rappelle ses nombreux voyages à travers le monde méditerranéen, mais cette fois il a conscience de quitter le rivage la dernière fois pour gagner la haute mer , de retour à la Maison du Père.Moment important s’il en est un dans une vie : on quitte tout, on donne tout ! Paul est tendu vers l’avenir. « J’ai le désir de m’en retourner pour être avec le Christ , car c’est de beaucoup le meilleur » Phil 1,23
« L’ancre est levée : il ne reste plus qu’à délier les cordages et larguer les voiles »Ruelle.

v.7. « J’ai combattu le bon combat » J’ai achevé la course.

Paul emprunte aux jeux du stade les images familières du combat, de la course, et de la couronne de lauriers. Grâce au Christ, il a conscience de s’être bien battu toute sa vie en gardant la foi qui l’a sans cesse soutenu et animé. Il a tenu bon jusqu’au bout. Il s’est toujours montré respectueux des règlements de la compétition. Quand il dit « j’ai gardé la foi », il faut lire « j’ai été fidèle aux engagements pris quant à l’entraînement et le respect des règles du jeu ». Aussi peut-il avec une totale confiance se présenter devant son Seigneur qui lui donnera la couronne.
Les verbes sont au passé : l’œuvre de Paul est définitivement accomplie, son offrande est faite sans regret. Son passage au Père a déjà commencé depuis longtemps et maintenant il jette, sur toute sa vie, un dernier regard non de regret mais d’action de grâce pour toute l’œuvre immense du Père, et donnera toute la mesure et l’ampleur de son offrande. Amédée Bruno dans un ancien numéro de la Croix le dit très bien : « Paul a vécu sa vie chrétienne comme une liturgie eucharistique : l’heure de la consécration est arrivé. Il parle de libation : son sang sera versé comme celui des victimes dans le temple de Jérusalem, comme celui de Jésus sur la croix »

v.8. Quelle est « La couronne de justice que le Seigneur me donnera » au jugement final ? Dans la perspective eschatologique que Paul entrevoit, la couronne n’est pas un privilège personnel, ni une récompense méritée. Elle est le couronnement de la grâce de la foi qui n’a pas été stérile en lui ; ainsi que Dieu l’a promis à « tous ceux qui ont désiré avec amour l’épiphanie de la gloire de Dieu » Tite 2,13.
Selon le psaume 102 (103), ce sera une couronne d’amour et de tendresse. Elle n’est pas la récompense couronnant la justice personnelle, mais la manifestation de la justice, de la tendresse, de l’amour de Dieu. Paul n’a rien à craindre de cette rencontre, tout au contraire il s’y est préparé depuis longtemps et il l’attend car il connaît celui qui le jugera : « Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais je n’en suis pas justifié pour autant ; mon juge, c’est le Seigneur. « 1 Co 4,4

v.9-15. Omis dans le lectionnaire. Ces versets aux harmoniques des plus humaines qu’on pourrait prendre pour des détails, rendent bien le pathétique de ce dernier message.
Ce n’est pas un vain mot, Paul pense aux persécutions dont il a été victime, à l’abandon de ses amis mais aussi à la présence et assistance du Seigneur durant toutes ces années.
Les Actes soulignent que Saul gagnait en force (Ac 9,22), une force qui lui venait du Seigneur pour la mission qu’il lui avait confiée et qui s’accroissait à mesure et au rythme des obstacles et des échecs rencontrés. Toutes les épreuves qu’il a connues et auxquelles il a été arraché sont comparées à la gueule du lion dont il a toujours échappé.

v.16-17. « Tous m’ont abandonné. » Si personne ne l’a soutenu Paul ne leur en tient pas rigueur. Il est comme le Christ au moment de sa passion et de sa mort, mais comme Christ il est lucide, il sait qu’il n’a plus aucun espoir sinon la certitude que le Seigneur, qui l’a toujours rempli de force « le Seigneur m’a assisté et m’a fortifié » v.17, sera encore sa force jusqu’au bout. Avec le Seigneur, sa seule force, Paul fait l’expérience de son soutien dans la situation extrême qui est la sienne. Grâce à ce soutien, Paul n’est pas seulement un prévenu qui se défend, mais un prédicateur qui continue à proclamer l’Evangile, la Bonne Nouvelle de la tendresse de Dieu. N’avait-il pas dit : « on n’enchaîne pas la Parole ». Jusqu’au bout Paul a proclamé la Bonne Nouvelle, tant en paroles que dans sa situation d’enchaîné, se référant en cette condition, au Christ lui aussi enchaîné.

v.18. « A lui la gloire pour les siècles des siècles. »
Aussi, Paul entonne-t-il déjà le chant de la liturgie céleste à laquelle il va bientôt prendre part. Après avoir crié au monde le message de l’Evangile, sa voix se fait l’écho de l’éternel cantique qu’il va chanter désormais : « à lui la gloire pour les siècles des siècles ».
Cri d’admiration qui doit être le nôtre…même si nous ne sommes pas encore au terme de notre pèlerinage.

P.S Ce thème de l’arrachement à tel ou tel péril comme aspect du salut revient plusieurs fois dans les épîtres :
Arrachement au corps charnel (Romains 7:24 24 « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ? » (Rom 7:24 )

À une mort imminente (Corinthiens 1:10 10 « C’est lui qui nous a délivrés d’une telle mort et nous en délivrera ; en lui nous avons cette espérance qu’il nous en délivrera encore. » (Co 1:10)

A l’empire des ténèbres Colossiens 1:13 13 « Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé. » (Col 1:13)

A la colère qui vient 1Thessalon 1:10 10 « ’attente de son Fils qui viendra des cieux, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient. « (1Thes 1:10)

Aux hommes égarés 2 Thessaloniciens 3:2 2 « et que nous soyons délivrés de ces hommes égarés et mauvais – car la foi n’est pas donnée à tous. « (2Th 3,2)

Aux persécutions (2Tim 3:11 11 dans les persécutions et les souffrances qui me sont survenues à Antioche, à Iconium, à Lystres. « Quelles persécutions n’ai-je pas eu à subir ! Et de toutes le Seigneur m’a délivré. « 2Tim 3:11)