Le loup habitera avec l’agneau
1ère lecture : Isaïe 11/1-10
1 Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines.
2 Sur lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de vaillance, esprit de connaissance et de crainte du SEIGNEUR.
3 et il lui inspirera la crainte du SEIGNEUR. Il ne jugera pas d’après ce que voient ses yeux, il ne se prononcera pas d’après ce qu’entendent ses oreilles.
4 Il jugera les faibles avec justice, il se prononcera dans l’équité envers les pauvres du pays. De sa parole, comme d’un bâton, il frappera le pays, du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.
5 La justice sera la ceinture de ses hanches et la fidélité le baudrier de ses reins.
6 Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira.
7 La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits, même gîte. Le lion, comme le bœuf mangera du fourrage.
8 Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main.
9 Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du SEIGNEUR, comme la mer que comblent les eaux.
10 Il adviendra, en ce jour-là, que la racine de Jessé sera érigée en étendard des peuples, les nations la chercheront et la gloire sera son séjour.
A propos de cette lecture :
Au VII°s. av. J.C., la conduite des rois d’Israël déçoit le prophète Isaïe. Il avait annoncé au chap 10 la destruction du pays par Assour mais déjà aussi qu’un « reste reviendra ». Mais la marche de l’envahisseur assyrien sera un échec même si le projet de Dieu semble voué à l’échec : la belle plantation de David se trouve réduite à une souche. Voilà tout ce qu’il reste de la célèbre dynastie royale davidique.
Les images traduisent souvent de façon plus compréhensible ce que de belles théories peuvent avancer. Ce texte d’Isaïe en témoigne, lui qui annonce le surgissement de l’inattendu à partir du presque rien, d’une souche ! D’emblée l’auditeur se trouve confronté à l’espérance de Dieu pour qui l’impossible devient possible.
Cette seule souche suffira pour que le Seigneur lui donne vigueur, que la vie reprenne et soit à l’origine d’une longue descendance.
Il peut sembler que rien ne restera du projet initial de Dieu, rien que des ruines. Et pourtant Dieu promet que, des racines, il va faire naître une nouvelle descendance selon son cœur.
Esaïe voit au v.1, un rameau qui sort du tronc de Jessé et il dit au v10 : la racine de Jessé s’érigera en signal pour le peuple.
Isaïe ne parle pas du tronc de David mais chaque fois du tronc de Jessé, de la racine de Jessé. Pourquoi ? En quel sens ? Nous le verrons plus loin.
Un rameau peut être un greffon ou une pousse, un rejeton Isaïe pense-t-il aux deux significations ? Le greffon est docile entre les mains du jardinier lorsqu’il l’ente sur un vieil arbre afin que traversé d’une vie nouvelle, celui-ci produise à nouveau de bons fruits. Le rejeton est une bouture qui surgit d’elle-même d’une racine qu’on croyait desséchée.
La première interprétation signifierait que Dieu, tel un jardinier, applique un nouveau greffon de meilleure qualité, sur le tronc qu’est la maison royale ; annonce d’une initiative inédite de la part de Dieu en faveur de la maison de David.
Le mot hébreu « géza » signifie d’après les hébraïsants, la souche restante d’un arbre abattu. C’est aussi tout le contexte de nos versets. Dans la continuité d’Isaïe 10/33 « Voici que le Seigneur Dieu, le tout-puissant, jette bas la ramure avec violence : ceux qui sont de haute stature sont abattus, les plus élevés sont mis bas », le prophète reconnaît l’incapacité de l’homme à bâtir, par lui-même, une société nouvelle qui porte la marque de Dieu. La nouveauté sera justement que celui qui est ici annoncé sera rempli de l’Esprit du Seigneur : « sur lui reposera l’Esprit du Seigneur. Il recevra tous les dons de l’Esprit.
Seul l’Esprit de Dieu, déjà présent lors de la première création, peut insuffler un esprit nouveau à ce qui en manque. La souche de Jessé, qui peut paraître image de mort recèle au contraire une vitalité insoupçonnée. L’arbre réduit à une seule souche est l’image de la désolation, le symbole de la maison de David anéantie au moment de la ruine du Temple.
Pour accentuer l’image, le prophète ne parle pas du tronc de David-Roi, mais du tronc de Jessé, le père de David, quand la toute puissance royale était encore absente.
Dieu est le Dieu des surprises, il gouverne le monde en y intervenant de façon imprévue. Il semblerait que le salut de Dieu ne se manifeste – par principe, pourrait-on dire – qu’à l’heure où tout recours humain fait défaut. Dieu se plaît à jouer le rôle de sauveur, mais en utilisant comme levier de son action quelque élément inattendu, si bien qu’à partir d’une situation sans issue, il reconstruit tout à partir de rien, de presque rien.
Le rejeton, image de vie, mais d’une vie insoupçonnée appelle l’idée de l’Esprit, du souffle qui, dans la Bible, est source de toute fécondité et de toute action. L’Esprit se pose sur le rameau non pour en prendre possession, sans plus, mais pour le mouvoir, pour le mettre en route. Isaïe en énumère toutes les qualités (que la liturgie de la confirmation reprendra) : esprit de sagesse, d’intelligence, esprit de conseil et de vaillance, esprit de science et de crainte du Seigneur.
Grâce à l’Esprit, ce rejeton « va sonner juste », être en harmonie avec Dieu. La justice sera le baudrier de ses hanches et parce qu’il « sonnera juste » avec Dieu, la nature elle-même se réconciliera harmonieusement. Un tableau idyllique décrit les animaux réconciliés entre eux. Les plus féroces ont déposé toute agressivité. Aux yeux du prophète, les bêtes elles-mêmes bénéficieront de la paix apportée par le roi messianique. L’harmonie sera universelle.
La terre sera remplie de la « connaissance » du Seigneur, c’est-à-dire qu’elle vivra dans une relation d’intimité, d’épousailles avec Dieu, source de toute réconciliation, de toute paix. La non-violence qui habite le cœur de Dieu habitera également le cœur humain.
Cet oracle est né dans un temps de désarroi pour l’espérance d’Israël. Plutôt que de sombrer dans la désespérance, comme c’est encore le cas pour bien de « paumés » de la foi, le prophète invite à la joie. Il annonce une paix universelle, capable d’arracher les siens au fatalisme en leur proposant une espérance capable de mobiliser leurs énergies.
Revêtu des dons de l’Esprit, ce roi gouvernera comme Dieu le ferait et jugera à la manière divine, cad en tenant compte des pauvres, des faibles et des humbles. Il sera à l’origine d’un monde pacifié et totalement renouvelé.
Aujourd’hui, rien n’est accompli encore de cette espérance. Il nous reste à continuer à demander la paix que seul Dieu lui-même peut donner. A nous peut-être de faire tout ce qui dépend de nous pour résoudre les faux problèmes et les faux antagonismes.
La seconde partie de notre péricope insiste sur le changement radical que l’intervention du Seigneur provoquera : le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits, même gîte. Le lion, comme le bœuf mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra…
N’est-ce pas le changement du monde que nous attendons :un monde qui ressemble si souvent à une jungle qui est dominée par la loi du plus fort. « Le cœur de l’homme est souvent le reflet de ce qui se passe dans la Savane, quand le lion attaque une paisible gazelle sans défense parce que dans le cœur de l’homme, il n’y a pas que du bien ou du mal, il est un mélange des deux, tantôt il penche vers le bien et tantôt vers le mal. ». La Bonne Nouvelle du Seigneur nous dit que Dieu veut que cela change et le changement premier est celui du cœur de l’homme. : « le pays sera rempli de la connaissance de Dieu ». Projet qui semble impossible, irréaliste et pour nous inviter à y croire, Isaïe se sert de l’image de la souche morte, incapable produire de la vie, Dieu fait surgir une nouvelle pousse, espérance de vie. « Dieu prend l’impossible comme point de départ parce que c’est dans cet impossible qu’il veut agir et pas ailleurs, c’est dans notre monde, notre société, notre nature humaine. » Dieu ne désespère jamais de l’homme d’autant plus qu’il a soin de nous donner son Esprit qui est la source de cette transformation radicale qui a commencé et qu’il désire poursuivre en chacun de nous. « Sur lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR »
Bien sur les images du changement qu’il propose ne sont pas à prendre au pied de la lettre mais en les transposant au niveau de nos relations humaines, elles nous font comprendre ce que nous pourrions changer effectivement dans nos vies et le monde : avec les immigrés, les laissés pour compte, les chômeurs….de manière à vivre ensemble des relations fraternelles, d’amour.
Le projet de Dieu c’est que les habitants de toute la terre soient heureux ensemble parce que réconciliés avec eux-mêmes et entre eux !