St Joseph des Champs 10 février 2019
5ème dimanche du T.O. -C-
Isaïe. 6,1-8 1 Corinthiens 15, 1-11 Luc 5,1-11
Puisque personne n’échappe à ce rendez-vous, un jour je paraîtrai devant Dieu. Evidemment, ce moment venu, j’aurai rempli ma valise avec tout le bien que j’ai pu faire dans les services que l’Eglise m’a confiés. Au fil du déballage de mes satisfactions, je sentirai que l’attention de Dieu se relâche. Il finira par m’interrompre :
« Ce n’est pas ce que tu as choisi de faire pour moi qui m’intéresse.
C’est ce que Jésus, mon Fils, a pu faire par toi !
C’est lui le Sauveur ! Pas toi ! ».
Et piteusement, je ramasserai mes satisfactions dans ma valise !
Aujourd’hui, Isaïe, Pierre et Paul ont dû vérifier eux aussi le contenu de leur valise.
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Isaïe est un jeune aristocrate de Jérusalem bien sous tout rapport. Familier du Temple, il y entre un jour en ne pensant à rien de particulier. Il en connaît l’architecture et la disposition des choses nécessaires au culte. Mais ce jour-là, son regard pénètre l’au-delà de ce qu’il a sous les yeux. Il découvre la sainteté de Dieu et, par ricochet, le vrai de sa vie. Il est littéralement renversé. : « Malheur à moi ! Je suis perdu car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le roi, le Seigneur de l’Univers. »
Eu un instant, le jeune Isaïe se rend compte que Dieu n’est pas tel qu’il s’imaginait. Et lui-même n’est pas ce qu’il croyait être. Il n’est pas meilleur que les autres.
Dieu, lui, ne peut pas être Autre que ce qu’il est. Son projet n’est pas d’humilier ses créatures car il en a besoin. Et, en ce temps-là, Dieu a eu besoin d’Isaïe comme porte-parole. Il doit donc purifier ses lèvres, mais il lui faut son assentiment. Il attend la réponse d’Isaïe : « Me voici : envoie-moi. »
Isaïe prendra la parole dans une situation difficile. Les soldats de la puissante Assyrie (capitale Ninive) ont des fourmis dans les bottes et menacent le petit royaume de Juda (capitale Jérusalem). Or, à Jérusalem, le peuple vit dans l’insouciance. Les uns se laissent séduire par les idoles, les autres ne se soucient pas de la qualité de leur relation à Dieu mais, par souci de perfection, ils pinaillent sur chaque détail de la célébration. Et tous sont pris par le goût de l’argent. Isaïe va avoir du travail !
Les générations se succèdent, les dérives se répètent et Dieu continue d’appeler.
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L’évangile de Luc, nous emmène au bord du lac de Génésareth. En ce temps-là, la plage est davantage un lieu de travail qu’un lieu de loisirs. Ce jour-là, des pêcheurs nettoient leurs filets… qui n’ont pas pris de poissons ! Et voilà qu’une foule arrive sur la plage derrière le dénommé Jésus. Il a du mal à se faire entendre et remarque deux barques à terre. Sans gêne, il s’installe dans l’une d’elles et demande au patron de s’écarter un peu de la rive. Il sera plus à l’aise pour parler.
Le patron de la barque s’appelle Pierre. Il n’est pas sûr qu’il ait apprécié d’être dérangé dans son travail. Et on ne sait rien sur la durée de la prise de parole de Jésus. Quand il a fini, il demande à Pierre de s’éloigner du rivage pour jeter les filets. Cela,
c’est la parole de trop. Charpentier, Jésus ne connaît rien à la pêche qui se pratique très tôt le matin. Pourtant, il s’éloigne de la rive et jette ses filets. Après tout, Jésus va apprendre quelque chose sur la pêche. Or, c’est Pierre qui est surpris. C’est à croire que les poissons attendaient ce filet !
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De même que le regard d’Isaïe sur le temple et sur lui-même a changé, de même le regard de Pierre sur Jésus et sur lui-même bascule. Il voyait en Jésus un prédicateur parmi combien d’autres. Il n’est pas que cela, mais qui est-il ? Il ne peut le dire. D’instinct, il prend la distance : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. »
Quand le Seigneur révèle un petit quelque chose de ce qu’il est à quiconque. Ce qui-conque découvre ce qu’il est lui-même. Jésus a besoin de Pierre. Il lui ouvre un avenir : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
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Paul, lui aussi, a été déstabilisé par Jésus. C’était sur la route de Damas : « Je suis le plus petit des apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, puisque j’ai persécuté l’Eglise de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce venant en moi n’a pas été stérile. »
Isaïe, Pierre et Paul ont été interpellés par un Dieu à la fois inaccessible et proche. Chacun a été appelé et dérangé dans le concret de sa vie.
A la fin de cette messe, nous dirons cette prière : « Accorde-nous, Seigneur, de vivre tellement unis dans le Christ que nous portions du fruit pour le salut du monde. »