Ezéchiel 34/11-12.15-17

11 Car ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi-même je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles.

12 Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées.

13 Je les ferai sortir d’entre les peuples, je les rassemblerai des différents pays et je les ramènerai sur leur terre ; je les ferai paître sur les montagnes d’Israël, dans les vallées, dans les endroits les meilleurs.

14 Je les ferai paître dans un bon pâturage, et leurs prairies seront sur les hauteurs d’Israël. Là, mes brebis se reposeront dans de belles prairies, elles brouteront dans de gras pâturages, sur les monts d’Israël.

15 C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu.

16 La brebis  perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai  je la ferai paître selon le droit.

  • Et toi, mon troupeau – ainsi parle le Seigneur Dieu –, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

 A propos de cette lecture :

« En cette fête  du Christ Roi de l’univers,… cette fête commande le choix des trois lectures proposées. La première présente Jésus comme bon pasteur. La seconde le fait briller dans la lumière de la Résurrection comme maître de l’univers… » Feu Nouveau pe 101.

La liturgie de ce dernier dimanche de l’année ne nous donne que quelques versets de ce magnifique chapitre d’Ezéchiel et il faudrait lire l’ensemble pour « en goûter pleinement les richesses ».

Jérusalem est détruite, le peuple exilé à Babylone se sent délaissé, abandonné. On se demande qui sont les coupables et on cherche des responsables. Le prophète annonce aux exilés ce que le Seigneur va réaliser pour eux, ce qu’il sera pour eux.

L’oracle date du lendemain de la chute de Jérusalem. Aux yeux du prophète, c’est le haut clergé du Temple qui est responsable de la déportation à Babylone, la défaite n’est que le fruit de leurs compromissions avec le pouvoir politique.

Ezéchiel invective violemment l’attitude désinvolte des pasteurs de l’époque qui se paissent eux-mêmes et que le prophète décrit  dans les versets précédents. Il lance une invective virulente  à l’adresse des classes dirigeantes d’Israël qui menaient une politique inspirée uniquement par leur profit personnel.

Nous avons ici une vraie Parole du Seigneur qui s’engage résolument en faveur de son peuple abandonné. La tradition biblique, dès l’Ancien Testament applique à Dieu cette mage idéale du Roi-Pasteur Voici ce que donne le texte lorsqu’on relève la récurrence de certains verbes par lesquels Dieu manifeste son engagement radical en faveur de son peuple et des mots tels que « moi-même ». La répétition  du  « je » et le mot « c’est moi » ou « moi-même », ne peut que nous en convaincre.

La première Bonne Nouvelle de ce texte nous dit  Marie-Noëlle Thabut c’est que « vous êtes encore le troupeau de Dieu et donc vous êtes en bonnes mains ».  Dieu dit comment il va se  manifester comme bon berger et le prouver. Tout le passage est orienté vers le v 31  qui est la conclusion d’une nouvelle alliance : ‘quant à vous, mon troupeau, le troupeau de mon pâturage, vous êtes des hommes et moi je suis votre Dieu, oracle du Seigneur.’

« Mais avant de prononcer la formule solennelle d’alliance, Yahvé par la bouche d’Ezéchiel adresse des reproches, l’annonce d’un jugement et des promesses de salut aux bergers d’abord (v 1-15), aux brebis en suite (v 17-25a) Smyth Florentin, dans Ass du Sgr 65

Ezéchiel ne veut pas seulement éveiller quelques bons sentiments chez ses auditeurs.

Aux versets 1 à 10, Dieu invective vigoureusement la conduite des dirigeants politiques et religieux d’Israël qui menaient une politique construite sur leurs intérêts personnels et  professaient une religion qui profitait d’abord à eux-mêmes et aux riches au lieu d’être au service du peuple. Le troupeau a été laissé à l’abandon, dispersé et devenu la proie des bêtes sauvages. Le troupeau ainsi délaissé est devenu la victime des prédateurs et des catastrophes qui en sont les conséquences et la preuve. Le troupeau a été dispersé, envoyé en exil.

Jacques Dupont précise que l’oracle interpelle aussi « les classes dirigeantes de la société d’aujourd’hui …qui usent de leur pouvoir pour pressurer les faibles. Dieu va leur retirer leurs troupeaux qu’ils ont malmené et Il se fera lui- même le Pasteur de son peuple : moi-même je ferai paître Mon troupeau dans un bon pâturage » v 14  Avec force, en réponse à l’attitude lâche des responsables religieux, le prophète affirme que le Seigneur lui-même va se faire, en personne, le Berger, le guide, le rassembleur, qui pousse son Peuple en avant. Dieu lui-même s’adresse au troupeau, aux brebis et leur annonce qu’il va devenir le pasteur de son peuple.

Dans la seconde partie du texte, à partir du v 17 : «  quant à vous mes brebis… »,  nous voyons que la responsabilité n’est pas seulement à impliquer aux responsables politiques et religieux, mais aussi aux rapports entre les membres du peuple, à l’injustice qui règne et qui ont été eux-mêmes aussi cause du malheur. Dieu sera le juge et « l’action du Seigneur se situe précisément là où la faute s’enracine. A la dispersion provoquée par les responsables politiques, il oppose le rassemblement » J.M Asurmendi dans « Cahiers Evangile »

Dire du Seigneur qu’il sera Berger, c’est reconnaître qu’il n’est pas un Dieu « installé »  au milieu d’un peuple aussi installé. Au contraire, le Seigneur se fera nomade avec son peuple, il marchera avec ceux qui voudront aller de l’avant. Il aura une sollicitude particulière pour la brebis chétive, malade ou égarée, pour celles laissées pour compte en raison de la débandade occasionnée par les responsables ; les plus forts s’engraissant au détriment des plus faibles.

La mission du berger sera aussi celle qui est esquissée au dernier verset de notre péricope : il va assurer une fonction de jugement à l’intérieur du troupeau lui-même, un rôle de discernement sur chacun des membres. Si le berger fait disparaître les brebis grasses c’est parce qu’elles se sont engraissées au détriment des maigres qu’elles oppriment injustement.

Ainsi Dieu fait œuvre de justice. On pourrait croire à une injustice de la part de Dieu : S’il prend soin des brebis pauvres ce n’est pas qu’elles soient meilleures mais dit Dupont dans ‘les Béatitudes : «  parce qu’une des attributions essentielles de la fonction royale consiste à assurer la Justice à tous les sujets, cad, en pratique assurer leur bon droit aux faibles, incapables de se défendre contre les forts et les oppresseurs… »

Ne nous demandons pas ce qu’un berger humain ferait, découvrons qui est le Dieu révélé par la Bible : un Dieu qui fait justice et n’a d’égard que pour celui qui est mis de côté, opprimé. Celui qui s’engraisse, opprime, profite de la pauvreté des autres, Dieu le supprimera, annonce Ezéchiel !

« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10/11) La Parole de Jésus n’est pas une plaisanterie. Ce n’est qu’ainsi que YHWH peut être Dieu pour son peuple.

En ce dernier dimanche de l’année chrétienne, rendons grâce au Pasteur qui nous conduit !

Encore devons-nous, conscients de sa sollicitude paternelle, nous laisser guider par lui sur des chemins toujours nouveaux et étonnants. L’Exil, même s’il fut un temps de grande souffrance, fut un chemin par lequel Dieu a ramené sont peuple à Lui et s’est révélé d’une manière toute nouvelle, a renoué l’Alliance avec lui en attendant la révélation  par son Fils et la nouvelle Alliance en son sang. Voilà comment le berger veille et conduit son troupeau vers des pâturages toujours verdoyants.