Actes 10/25-26.34.35.44-48
- Au moment où Pierre arriva, Corneille vint à sa rencontre et il tomba à ses pieds pour lui rendre hommage.
- «Lève-toi !» lui dit Pierre et il l’aida à se relever. «Moi aussi, je ne suis qu’un homme.»
- Alors Pierre ouvrit la bouche et dit: «Je me rends compte en vérité que Dieu est impartial,
- et qu’en toute nation, quiconque le craint et pratique la justice trouve accueil auprès de lui.
- Pierre exposait encore ces événements quand l’Esprit Saint tomba sur tous ceux qui avaient écouté la Parole.
- Ce fut de la stupeur parmi les croyants circoncis qui avaient accompagné Pierre: ainsi, jusque sur les nations païennes, le don de l’Esprit Saint était maintenant répandu !
- Ils entendaient ces gens, en effet, parler en langues et célébrer la grandeur de Dieu. Pierre reprit alors la parole:
- «Quelqu’un pourrait-il empêcher de baptiser par l’eau ces gens qui, tout comme nous, ont reçu l’Esprit Saint ?»
48 Il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ et ils lui demandèrent alors de rester encore quelques jours.
- On trouvera en PS. du commentaire, le texte complet de cette péricope dont la liturgie de ce dimanche ne reprend que quelques versets
A propos de la 1ère lecture :
Situons pour commencer ce passage dans les Actes : Pierre après deux discours au peuple de Jérusalem, ch. 2 et 3, et deux autres devant le Sanhédrin, ch. 4 et 5, prononce un discours étendu pour marquer l’étape décisive de l’entrée de païens dans la Vie par le baptême. Ce discours de Pierre s’inscrit dans la ligne des Actes et la proclamation de la résurrection du Seigneur Jésus. La catéchèse est centrée essentiellement sur la résurrection. Ne peut-on pas regretter que le lectionnaire interrompe le sermon de Pierre au moment où il proclamera, v. 41-43, l’essentiel du message pascal : la résurrection de Jésus ?
La lecture de ce jour compile en trois groupes des versets empruntés au chapitre 10 du Livre des Actes des Apôtres. Mais est-il seulement question des Apôtres et de leurs actes dans cet écrit lucanien ? On y parle davantage d’hommes et de femmes qui ne sont pas apôtres. Luc y décrit une vie nouvelle qui anime soudain l’existence de celles et de ceux qui se laissent toucher par l’annonce de la Bonne Nouvelle. C’est le cas de Corneille et de sa famille. Pierre et ses compagnons juifs prennent tout à coup conscience de la présence agissante du Saint Esprit dans la vie des païens ! Nous sommes à un tournant de l‘évangélisation.
Cette péricope, extraite du chapître 10, est formée de trois parties dont le lectionnaire ne nous donne que quelques versets à chaque fois :
v 25-26 : rencontre historique de Pierre avec Corneille ;
v 34-35 : discours de Pierre affirmant que Dieu n’est pas partial ;
v 44-48 : l’Esprit se répand sur tous.
Le récit : à Césarée, Corneille un centurion romain, un païen donc, est « craignant Dieu » c.a.d. qu’ « il est pratiquement converti au judaïsme sans aller jusqu’à la circoncision » Thabut. Il a une vision dans laquelle il lui est demandé de faire chercher Pierre à Joppé, et de lui demander de venir. Pendant que les envoyés sont en route, Pierre a lui aussi une vision qui l’invite à tuer et manger des « viandes impures » Pendant que Pierre s’interroge quant au message de cette vision, arrivent les messagers. Pierre les ayant suivi, arrive chez Corneille et lui dit : v. 29, « j’aimerais savoir pourquoi vous m’avez fait venir ». Corneille après avoir raconté sa vision à Pierre et la raison de l’envoi des messagers pour le faire venir conclut : « Maintenant, nous voici tous devant toi pour écouter tout ce que le Seigneur t’a chargé de nous dire. » v.33
- 24-25 le païen s’était jeté aux pieds de Pierre : tel fut le premier geste de leur rencontre. L’Esprit qui est à l’origine de leur rencontre fait dire à Pierre : « Lève-toi!» […] et il l’aida à se relever. ‘Moi aussi, je ne suis qu’un homme.» La grandeur vient de l’Esprit qui les a rapprochés.
La rencontre dans l’Esprit se continue par l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité. Mais la loi de l’impureté est mise à mal : la rencontre se poursuit et est bouleversée par l’irruption de l’Esprit au cœur même de leur dialogue : « Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. » Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que même sur les nations païennes le don de l’Esprit Saint avait été répandu. En effet, on les entendait parler en langues mystérieuses et chanter la grandeur de Dieu. Pierre dit alors : « Quelqu’un peut il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ.
Les frontières éclatent, c’est l’Eglise qui devient universelle, catholique : une étape importante, capitale dans l’histoire du salut. « Alors ils lui demandèrent de rester quelques jours avec eux. »
Ce n’est pas la première fois qu’un récit biblique nous raconte comment un non-croyant fait bouger quelque peu les pensées des croyants. Dans l’Evangile, ce sont souvent les Samaritains, ici c’est un Romain.
« Les grands axes du discours de Pierre : foi dans la résurrection du Christ et dans la nôtre, conversion et témoignage, spécifient parfaitement les caractéristiques du baptême chrétien et la préparation catéchuménale. Le baptême est sacrement de foi, non pas qu’il procure celle-ci automatiquement, mais parce qu’il habilite chaque disciple, en triomphant du mal, à faire de sa vie, une vie de ressuscité qui le prépare à un autre baptême : celui de la mort par lequel s’ouvre l’accès à la vie éternelle avec Jésus-Christ ».[1]
Il est interdit à un juif, sous peine d’impunité rituelle, d’avoir une relation suivie avec des païens. Pierre en bon juif connaît l’interdit et le respecte et pour rien au monde n’y contreviendrait.
Voilà cette fois qu’un païen, chercheur de Dieu, vit une expérience peu banale : l’expérience de l’Esprit Saint. Pierre simultanément a une vision qui l’invite à enfreindre les interdits du judaïsme et à accueillir l’invitation de Corneille. On peut imaginer à quel prix Pierre accueille cette vision. Seul l’Esprit a pu aider Pierre à enfreindre les lois du judaïsme et à rencontrer Corneille.
On pense à Jésus guérissant un jour de sabbat ou touchant un lépreux et les réactions qu’il a provoquées. En fidélité à l’Esprit de son Père Jésus ne faisait rien sans Lui : « mes œuvres sont les œuvres du Père ».
Dans ce contexte, Pierre risquait non seulement l’impureté mais aussi la réprobation de la communauté. Seul l’Esprit a pu pousser Pierre à enfreindre les règles strictes du judaïsme. Le geste de Pierre va entraîner un tournant dans l’histoire de l’Eglise, ainsi on peut dire que c’est une rencontre historique vécue dans la cordialité, l’ouverture et la disponibilité totale à l’Esprit.
Rencontre qui va bouleverser non seulement des notions théologiques mais aussi briser des préjugés et les réduire à néant, et ainsi provoquer une conversion qui va dynamiser les communautés dans une grande fidélité à l’Esprit.
- 34-35: Car Dieu ne fait pas acception de personne. C’est tout simplement l’impartialité non seulement dans le jugement mais aussi dans le regard sur tout homme. Des commentateurs font remarquer que la traduction « personne » exprime mal le grec « prosopon » qui veut dire le visage.
« L’expression fait image en hébreu : elle décrit le geste de celui qui lève le visage de quelqu’un, qui a égard au visage, à l’apparence, à la condition extérieure ». Ainsi, dans le passage de 1 S. 16,7 « Mais le SEIGNEUR dit à Samuel: Ne considère pas son apparence ni sa haute taille. Je le rejette. Il ne s’agit pas ici de ce que voient les hommes: les hommes voient ce qui leur saute aux yeux, mais le SEIGNEUR voit le coeur. » On retrouve d’ailleurs la même idée en 15,8 où Pierre dit à propos de Corneille : « Dieu qui connaît les cœurs ». Dieu ne s’arrête pas aux apparences, il voit le fond des cœurs et offre à chacun le don du salut.
Voici la rencontre de deux hommes aussi distants l’un de l’autre qu’on puisse l’imaginer dans la mentalité juive qui, tous deux grâce à l’écoute personnelle de l’Esprit, parcourent mystérieusement et chacun de son côté, un chemin qui va les rapprocher et combler une distance que jamais on n’aurait pu penser qu’elle le puisse.
Que retenir ? C’est Dieu, par son Esprit, qui est sans cesse à l’œuvre mais il le fait toujours avec des hommes et, c’est grâce à leur écoute et leur fidélité, que l’œuvre de Dieu se réalise et que l’avenir de l’Église est assuré.
« L’universalité du salut est encore affirmée à la fin du discours. Après avoir exposé le kerygme christologique, après avoir apporté son propre témoignage et celui des autres apôtres, Pierre conclut :‘C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. » v 43. » Ghidelli dans Ass du Sgr 27
On peut se prendre à rêver… L’Église officielle, en la personne de Pierre accepte de changer sa façon de voir grâce à l’intervention de quelqu’un qui n’est pas d’Église ! Sa vision le rend à l’évidence : l’expérience qu’on peut faire de Dieu ne reste pas limitée aux disciples de Jésus ; la révélation de l’Esprit de Jésus atteint aussi celles et ceux qui ne font pas partie de « l’équipe ». S’ouvrir à cette vérité permet à l’Esprit Saint de descendre et de manifester son action en tous. N’est-ce pas l’Esprit qui nous fait expérimenter la force et l’action du Ressuscité dans nos vies et nos communautés ? Ce récit relativise notre façon de voir l’Église. Même si elle est le lieu où nous confessons notre foi, l’Église à elle seule n’est pas le Royaume. Elle demeure pour une part de l’ordre des moyens, elle n’est pas un but en soi. Elle ne peut accaparer Dieu et en faire sa propriété. L’Église ne sera « servante » que, lorsqu’à l’image de Pierre, elle reconnaîtra que Dieu est aussi à l’œuvre là où nous ne l’aurions pas attendu ni imaginé.
Que retenir ? En bref : Pierre et Corneille sont touchés tous les deux par l’Esprit : grâce à leur fidélité au même Esprit, il s’est passé quelque chose : Pierre s’est déplacé pour aller chez Corneille et Corneille l’a reçu au sein de sa famille rassemblée. C’est par des médiations humaines que Dieu a agi et que ce tournant important pour l’Église a pu être pris. Retenons encore : l’Esprit tombe sur les nations avant le baptême, il travaille le cœur de l’homme, de tout homme sans attendre l’imposition des mains. Dieu adresse le message de salut à tous les hommes.
« Les paroles prononcées par Pierre avec tant d’assurance et d’autorité établissant un principe fondamental indiscutable : l’Esprit de Dieu souffle où il veut. Il est maître absolu de ses dons qu’il accorde avec libéralité, même aux païens, sans attendre le baptême et, bien sur, sans les contraindre à se faire circoncire » Ghidelli dans Ass du Sgr 27
Il est bon de relire le texte dans son entièreté. Il permet de comprendre mieux les différentes interventions.
Actes 10 :
« Le lendemain, il se mit en route avec eux ; quelques frères de Joppé l’accompagnèrent. 24 Le jour suivant, il entra à Césarée. Corneille les attendait, et avait rassemblé sa famille et ses amis les plus proches. 25 Comme Pierre arrivait, Corneille vint à sa rencontre et, tombant à ses pieds, il se prosterna.
26 Mais Pierre le releva en disant :
« Lève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi. »
27 Tout en conversant avec lui, il entra et il trouva beaucoup de gens réunis. 28 Il leur dit : « Vous savez qu’un Juif n’est pas autorisé à fréquenter un étranger ni à entrer en contact avec lui. Mais à moi, Dieu a montré qu’il ne fallait déclarer interdit ou impur aucun être humain. 29 C’est pourquoi, quand vous m’avez envoyé chercher, je suis venu sans réticence. J’aimerais donc savoir pour quelle raison vous m’avez envoyé chercher. »
30 Corneille dit alors :
« Il y a maintenant quatre jours, j’étais en train de prier chez moi à la neuvième heure, au milieu de l’après-midi, quand un homme au vêtement éclatant se tint devant moi, 31 et me dit : ‘Corneille, ta prière a été exaucée, et Dieu s’est souvenu de tes aumônes. 32 Envoie donc quelqu’un à Joppé pour convoquer Simon surnommé Pierre ; il est logé chez un autre Simon qui travaille le cuir et dont la maison est au bord de la mer.’ 33 Je t’ai donc aussitôt envoyé chercher, et toi, en venant, tu as bien agi. Maintenant donc, nous sommes tous là devant Dieu pour écouter tout ce que le Seigneur t’a chargé de nous dire. » 34 Alors Pierre prit la parole et dit :
« En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : 35 il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. 36 Telle est la parole qu’il a envoyée aux fils d’Israël, en leur annonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ, lui qui est le Seigneur de tous.
37 Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : 38 Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. 39 Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, 40 Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, 41 non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. 42 Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. 43 C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »
44 Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. 45 Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations païennes, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. 46 En effet, on les entendait parler en langues mystérieuses et chanter la grandeur de Dieu. Pierre dit alors :
47 « Quelqu’un peut‑il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? »
Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ. Alors ils lui demandèrent de rester quelques jours avec eux.
[1] Th. MAERTENS, Guide de l’Assemblée chrétienne, Tome I, p. 365-366.