La loi ancienne d’exclusion des lépreux
 Lévitique 13:1-3  FBJ

 

Le SEIGNEUR parla à Moïse et à Aaron, et dit :
2 S’il se forme sur la peau d’un homme une tumeur, une dartre ou une tache, un cas de lèpre de la peau est à prévoir. On le conduira à Aaron, le prêtre, ou à l’un des prêtres ses fils.
3 Le prêtre examinera le mal sur la peau.
45 Le lépreux atteint de ce mal portera ses vêtements déchirés et ses cheveux dénoués ; il se couvrira la moustache et il criera :  » Impur ! Impur !  »
46 Tant que durera son mal, il sera impur et, étant impur, il demeurera à part : sa demeure sera hors du camp.

Le livre du Lévitique se trouve être le centre de la Thora, le ‘saint des saints’ au milieu du Pentateuque (les 5 livres de Moïse). Il est déterminant, aux yeux des ‘fils d’Aaron’ que sont les Lévites, de savoir distinguer le pur et l’impur, ce qui est profane et ce qui est ‘saint’. L’auteur pendant six chapitres, c.à.d. plus d’un quart du livre, qualifie les réalités ‘pures et impures’, en précisant comment chaque individu et communauté se trouvent soit souillés soit purifiés.

L’exégèse juive situe le chapitre 16 au centre du livre.  Là est définie la loi du Yom Kippur, le Jour du grand pardon où,  pour la purification de tout le peuple, le bouc émissaire chargé de toutes les fautes, de toute l’impureté,  est chassé dans la solitude du désert.

Le Lévitique «  ne décrit pas le culte en usage à l’époque du Désert. ..l’ensemble est une synthèse rédigée pendant l’exil à Babylone par des prêtres du temple de Jérusalem qui s’intéressent particulièrement au culte et à la hiérarchie sacerdotale » La Bible et son Message.

Les chapitres 13-14 traitent de la lèpre au sens large. Dans la société juive on avait la conviction de son lien avec le péché, on y voyait même le symbole du péché. Au sujet de la lèpre on peut retenir deux choses : son lien fort avec le péché : «  c’est un mal religieux : la marque du péché et le châtiment divin des fautes jugées particulièrement graves…Depuis les temps immémoriaux le lépreux était considéré comme un mort ambulant… » Hervieux Léger dans l’Évangile de Marc.

Donc celui qui est frappé de la lèpre et reconnu comme tel est exclu de la société, non seulement par crainte de la contagion « mais pour éviter que l’impureté dont il était désormais atteint ne souille les personnes et les objets avec lesquels il pourrait avoir contact ».

Il est excommunié de la société et doit porter les signes : «  des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, annoncer son arrivée en criant  impur, impur ».

En Israël, le monde est divisé en deux : tout ce  qui est pur et tout ce qui est impur. Le problème de la pureté d’Israël est poussé jusqu’à l’extrême : le peuple de Dieu est appelé à la sainteté : « soyez saints car moi je suis saint ».

Le problème de la santé et de la sainteté vont de pair, et il en va de même pour le péché et la maladie. Chaque membre doit se trouver en état de pureté, « une pureté légaliste faite de tabous à respecter », mais aussi « une pureté morale, assurant la fidélité aux prescriptions de la loi mosaïque »

Parmi les maladies mentionnées dans la bible, la lèpre, qui se trouve du côté « impur », tient une place importante, (116 versets du livre en parlent). Le lépreux « est l’impur par excellence, c’est à dire celui que son état physique met en rupture avec la vie, avec ce qui est saint, avec la communauté elle-même » Il faut noter le lien fort entre la maladie et le péché qui fait que la lèpre est la plaie par excellence dont Dieu frappe les pécheurs » Feu Nouveau.

Il appartenait au prêtre de discerner parmi les maladies de peau celle qui pourrait être contagieuse. Le malade devait pouvoir être identifié publiquement comme tel, avec des signes appropriés : vêtements déchirés, et autres signes qui permettraient de le reconnaître et de le garder à distance.

Le lépreux était contagieux et les gens se protégeaient en évitant de l’approcher. La Loi de Moïse demandait qu’il habite hors du camp.. Il était considéré comme impur, d’une impureté rituelle qui l’excluait de toute activité religieuse puisqu’il était considéré comme pécheur : défense d’entrer dans le Temple, dans les synagogues.

Exclu non seulement de la vie publique mais aussi de toute forme de vie religieuse il subissait, en ce sens, une double exclusion : il était impur et pécheur. Ainsi exclu par la lèpre, l’homme se trouvait entre la vie et la mort et plus précisément du côté de la mort.

Une telle attitude choque : comment Dieu peut-il demander à Moïse d’exclure du peuple choisi par lui-même, toute personne atteinte par cette maladie contagieuse ? Ce n’était pas tellement pour éviter la contagion que pour éviter toute contamination avec le mal « par excellence ».

Si la lèpre comporte un aspect de défiguration, elle est considérée comme une punition de Dieu du mal qu’on aurait pu avoir commis. Rappelons-nous les dialogues de Job et de ses amis qui tentent de le convaincre que sa situation est la conséquence des fautes cachées qu’il avait commises.

Comment comprendre cette attitude face à la lèpre  pour que ce texte soit une Bonne Nouvelle pour nous ? La mort  est l’impureté par excellence. La communauté doit être préservée de l’influence possible de la mort. Dans le lépreux, la mort semble déjà être à l’œuvre. C’est pourquoi on excommunie les lépreux, du moins aussi longtemps qu’ils en ont les symptômes.

Il y a donc, au point de départ, peu de différence entre un lépreux et un mort. Et pour pouvoir guérir un lépreux il faut être un dieu capable de ressusciter un mort. Quand, dans le 2ième livre des Rois, on demande par écrit au roi d’Israël de guérir Naaman de sa lèpre, le roi s’exclame en disant : « Suis-je Dieu, capable de faire mourir et de faire vivre, pour que celui-là m’envoie quelqu’un pour le délivrer de sa lèpre ? » II Rois 5/).

Le fait que ce soit un prêtre qui doive faire le diagnostic peut étonner. Mais puisqu’il s’agit d’une affaire de vie et de mort, la loi veut que la réalité bonne ou mauvaise soit regardée à la lumière de Dieu qui lui, veut réunir les hommes, malades et bien-portants en un seul peuple.

Ce texte comporte-t-il un message pour nous aujourd’hui ? Ne disons pas trop vite que tout cela est de l’archéologie. N’est-il pas simplement dit ce que nous faisons encore ? Quand un malade est contagieux, on l’isole !

Ce qui ne veut pas dire qu’on l’exclue mais bien que l’on essaie de se protéger ! Ce texte nous interpelle aussi sur nos solidarités avec toute forme de détresse. Dieu, lui, ne tient pas compte de nos marques de lèpres. La preuve : il nous invite à sa table et il nous place à notre place unique, tout contre lui !

 

Face à cette double exclusion subie par un lépreux, on peut comprendre la réaction de Jésus en Marc 1, 40-15 : il est profondément ému à la vue du lépreux et il ose le toucher et enfreindre avec cet homme l’exclusion.

Or Jésus n’est non seulement pas contaminé mais le lépreux est purifié par la pureté de Jésus qui prend sur lui l’exclusion dont le lépreux est frappé. Le texte manifeste jusqu’à quel point Jésus prend le risque de franchir les frontières imposées par la « religion », jusqu’à devenir lépreux avec les lépreux.

 

Il est bon de lire ce passage à la lumière de l’évangile de ce dimanche : Jésus affronte le mal, la lèpre du péché ; en touchant le pécheur il prend ainsi sur lui tout le mal et nous réintègre dans son Église.

Le mal qui souille l’homme c’est ce qui sort de son cœur et non de sa chair, de son corps. Jésus a bien mis en garde sur le genre de mal dont nous devons nous garder et demander la guérison  – par la conversion du cœur qui seule peut nous ouvrir à la guérison.

Pour terminer je vous invite à relire ce texte au regard de toutes les formes d’exclusion que nos sociétés qui fonctionnent avec notre complicité voulue ou inconsciente, dans la ligne de celles des prescriptions sur la lèpre.