1ère lecture : Job 7/1-4.6-7

7
1 Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée,
il fait des journées de manœuvre.

2  Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre,
comme le manœuvre qui attend sa paye,

3  depuis des mois je n’ai en partage que le néant,
je ne compte que des nuits de souffrance.

4  À peine couché, je me dis :
‘Quand pourrai-je me lever ?’
Le soir n’en finit pas :
je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube.

5    Ma chair s’est revêtue de vermine et de croûtes terreuses,
ma peau se crevasse et suppure.

6  Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand,
ils s’achèvent faute de fil.

7  Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle,
mes yeux ne verront plus le bonheur.

 

A propos de  la  première lecture :

 

Le livre de Job est un des livres les plus dramatiques de la littérature de tous les temps. Il pose l’énigme du  juste face à la souffrance. Œuvre d’un juif d’une grande culture, il évoque,  non seulement les aspects durs de la vie, mais surtout son extrême souffrance face à l’absence radicale de Dieu qui peut entraîner dans la désespérance.

Il faut d’abord se rappeler que Job n’est pas un personnage historique. Le Livre de Job est une pièce de théâtre où est mis en scène le combat entre Dieu et le mal. Et ce combat se fait sur le dos d’un homme qui s’appelle Job et dont le nom signifie « Où est Dieu ? »
C’est bien là, la question qui habite quiconque souffre et connaît la détresse profonde, de quiconque vit dans la solitude, sans Dieu. Josy Eisenberg et Elie Wiesel intitulent leur commentaire de ce livre : « Job ou Dieu dans la tempête ».

 

« Job est  un héros de légende : il peut avoir existé car l’onomastique de Palestine et des pays limitrophes connaît des noms similaires. Mais rien ne permet de préciser le degré d’historicité des faits contés dans le prologue et l’épilogue…

L’intention de l’auteur n’étant pas de nous raconter une histoire mais de nous faire vivre le drame spirituel de la souffrance du juste, de nous communiquer son trouble et son angoisse et, s’il est possible, de nous proposer une solution » Osty

Le court passage que nous lisons aujourd’hui est emprunté au premier des neuf dialogues qui composent le livre : sortes de débat de Job avec ses amis dans lequel il décrit le cauchemar de sa souffrance.

Aux considérations pieuses d’Eliphaz qui  « explique que la Sagesse traditionnelle et une révélation personnelle le convainquent du bien fondé de la thèse courante : souffrance et péché vont ensemble » Feu Nouveau

, Job répond en posant la question fondamentale du sens de la vie. Sa souffrance est telle qu’il maudit le jour de sa naissance : « Périssent le jour qui m’a vu naître et la nuit qui a déclaré : ‘Un homme vient d’être conçu’. » 3,1.

La perte brutale de tous ses biens fait entrer Job en débat avec le Seigneur. Ecrasé par la douleur il se trouve face à ce qui lui semble l’absurdité de la souffrance : pourquoi ?

Son ami Eliphaz, en bon sage, veut lui donner des conseils afin de trouver l’explication de tous ses maux : si Job souffre c’est qu’il est coupable, il a commis quelque faute secrète, « car c’est l’homme qui engendre la peine ».

Dialogue de sourds, pourrait-on dire, entre l’ami et Job qui ne se reconnaît aucune faute et rejette toutes les accusations qu’on voudrait lui faire endosser.

En essayant de comprendre le pourquoi, Job revoit tout ce qui est à l’origine de la souffrance : il pense à ceux qui sont écrasés par le travail, à l’esclave qui aspire à un peu de repos et d’allègement mais sans espoir, par crainte de son maître. Les jours n’en finissent pas et les nuits ne sont qu’une suite de cauchemars. Quel avenir lui reste-t-il ?

La fin, la mort inexorable n’est-elle pas la meilleure issue ? Et, au delà de celle-ci que peut-on encore espérer ?

« Empêtré dans l’incohérence de ses désirs, angoissé par l’absurde de la condition humaine et par la solitude du malheureux qui ne peut communiquer à personne sa souffrance, Job se tourne vers Dieu qui doit bien avoir la clé de l’énigme ainsi que celle de sa prison ».

‘ Souviens-toi ‘, c’est le premier mot que Job adresse à Dieu. Dans la bible cette expression implique presque toujours une prière pour demander à Dieu d’être fidèle à son Alliance. Qu’il reconnaisse son innocence ! Qu’il lui explique le mystère de sa vie malheureuse » De Vaux dans Ass du Sgr 36.

 

Croyants ou  non, combien d’êtres humains ne vivent-ils pas l’expérience de l’absence de ce Dieu qui fait problème. On cherche un sens à ce que l’on vit. A quoi bon vivre ? On entend ici l’expression du désarroi et de la révolte de celui qui connaît l’absence de Dieu.

Le texte se termine par cette prière émouvante : « Souviens-toi que ma vie n’est qu’un souffle ». Oser croire que Dieu peut encore se souvenir de moi !

 

Dans, «Job, ou Dieu dans la tempête », on peut lire : «Tout le chapitre 7 est un long soliloque sur la vie, qui s’achèvera par l’interpellation de Dieu. Job va trouver des termes émouvants pour parler de la vie -en général- et de ce qu’est devenue, tout particulièrement la sienne. La vie n’est qu’une longue aliénation. La vie est un esclavage. Nous sommes comme des esclaves qui, ayant travaillé toute la journée sous un soleil brûlant, aspirent à un peu d’ombre. Autrement dit, mercenaires, nous attendons notre salaire ; forçats, nous rêvons de nous reposer ; dans tous les cas la vie est transitoire, elle ne nous permet pas de nous réaliser.

C’est un des textes les plus noirs de toute la littérature universelle. Job compare l’homme à la fois à un soldat et à un salarié. Ce sont là deux situations profondément insatisfaisantes dans la mesure où elles ne suscitent qu’un seul espoir : qu’on en finisse ! Rien n’est plus tragique qu’un emploi du temps – une usure du temps- qui n’apporte comme seule satisfaction que le moment où il s’achève : c’est le vide intégral.

Au v.6, Job invente une image qui va faire fortune : la vie se dévide comme la navette du tisserand. Le rouet, la Parque, le fil qui se casse : lieux communs de toute littérature. Mais en hébreu, cela prend une force singulière : car le mot tikva signifie à la fois fil et espérance.  Il y a une troisième façon de traduire le mot tikva, c’est « la source ». Autrement dit, on ne peut pas vivre sans se «ressourcer ». José Eisenberg

 

Le livre de Job ne donne ni explication ni ne trouve une issue au problème de la souffrance- il faudra attendre le Christ,  mais il entrevoit une lumière qui le sort de sont isolement en priant Dieu : «  Souviens-toi que ma vie n’est qu’un souffle ». Il sait qu’il n’est pas seul et que Dieu ne l’oublie pas, aussi rappelle-t-il à Dieu qu’il n’a plus beaucoup de temps pour qu’il s’occupe de lui.. N’attends pas que je ne sois plus pour t’occuper de moi.