Daniel 12/1-3 12

En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple.
Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, Jusqu’à ce temps-ci.
Mais en ce temps-ci, ton peuple sera délivré, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre.
Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles.
Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais.
Et toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles, garde le Livre scellé jusqu’au temps de la fin.
Beaucoup seront perplexes, mais la connaissance augmentera. »

A propos de cette lecture :

Le livre de Daniel, un des plus riches de l’Ancien Testament. L’auteur a conçu un ensemble théologique sur le thème de Dieu, Dieu et l’histoire, sur la rétribution et la résurrection.
Il y a cependant beaucoup de doutes sur la personne de Daniel. Osty va jusqu’à dire que « le personnage de Daniel confine avec la légende …C’est moins une individualité qu’un type, celui du Juif fidèle, ferme en sa foi et ses pratiques religieuses, et qui , soutenu et inspiré par son Dieu, fait face au plus grand des rois et confond toute sa cohorte de magiciens. Dieu lui révèle le cheminement de l’histoire… Le but ultime de l’histoire : l’établissement définitif du Royaume de Dieu et de ses saints, cad des Juifs qui se seront montrés fidèles lors de la persécution d’Antiochus Epiphane » Osty. dans Introduction au livre de Daniel.
La rédaction du livre de Daniel aurait été écrite vers l’an 164 avant Jésus-Christ. La première partie (ch 1-6) se compose de récits se référant au règne de Nabuchodonosor et une série de visions (ch 7-12), la partie prophétique dont nous lisons le dernier oracle se référe à la persécution d’Antiochus Epiphane.
« Au terme de l’apocalypse qui démarquait l’histoire, l’auteur place un oracle qui constitue le sommet du livre (12/1-4). Le texte passe pour cela à une forme poétique.
On quitte le domaine terrestre. C’est Michel, le grand Prince, chef de l’armée céleste et patron spécial du peuple de Dieu, qui préside à la délivrance finale. Au paroxysme de la crise, le peuple de Dieu est plongé dans l’angoisse, mais c’est le signe d’un dénouement prochain. Dans les oracles prophétiques, la ‘fin’ est toujours imminente, d’une imminence psychologique qu’il ne faut pas confondre avec l’imminence temporelle ». Pierre GRELOT, dans Cahiers Evangile, 79, p46
Notre péricope se situe dans le cadre d’une vision. Daniel le voyant, écoute le message de l’ange : «  j’ai entendu cette parole de la part du Seigneur » v1  : « En ce temps là » : c’est à dire dans les années 170-160 avant J.C, au temps d’Antiochus Epiphane qui a « dressé dans le temple l’abomination de la désolation ». Il a mis les Juifs en demeure entre sacrifier aux idoles ou mourir.
Les événements et sa force semblent lui donner raison, et cependant Dieu est le Dieu de l’histoire : «  son Royaume est un Royaume éternel et sa domination dure de génération en génération ».
« En ce temps là » c’est le temps de la lutte de Judas Maccabée pour reconquérir le temple de Jérusalem.
« Le salut ne sera pas le résultat d’une initiative humaine mais pur don de Dieu, le monde angélique…fait irruption au cœur de l’histoire pour y exécuter le dessein de Dieu : « en ce temps là se lèvera Michel »v1. Grelot dans Ass du Sgr 64.37
C’’est Michel qui va prendre en main le destin d’Israël, alors que son destin semble livré à une ruine certaine, et va le conduire au salut définitif.
« Ce temps » sera un temps de détresse. (1b) Le verbe est au futur : le visionnaire annonce la catastrophe par excellence, la persécution par Antiochus et l’apparente prospérité des persécuteurs. C’est un temps de crise mais en même temps un temps de purification et d’approfondissement de la foi.
« En ce temps là » annonce déjà le résultat de l’intervention de Michel : alors que les amis de Dieu sont persécutés et les impies semblent triompher, le Seigneur envoie son prophète prononcer un oracle promettant l’assistance du Seigneur à ceux qui observent les commandements et les volontés du Seigneur.
Le salut vient, mais cette fois avec une nouveauté : cet oracle a une importance toute particulière : c’est la première fois que l’on mentionne la résurrection, d’une vie après la mort pour l’homme.
Comme en tout moment de crise on se pose la question : a-t-on raison de croire ? faut-il encore croire ? Oui répond l’auteur du livre Daniel : la fidélité de Dieu est sans repentance. Ton peuple sera sauvé. Mais de quel salut s’agit-il ? Il est basé sur la fidélité de Dieu, il ne peut donc être le résultat d’initiatives humaines, mais « un pur don de Dieu, ce que nous appellerons une grâce.
Pour exprimer cette idée l’auteur montre le monde angélique qui fait irruption au cœur de l’histoire pour y exécuter le dessein de Dieu. C’est que le combat entre le Bien et le mal se déroule à la fois sur deux plans, ici bas et dans le ciel : comme si les puissances qui s’affrontent dans l’histoire avaient là-haut leur réplique » Grelot
Le monde angélique qui fait irruption est représenté par Michel-Mikaël dont le nom signifie « qui est comme Dieu ». Il apparaît dans les textes apocalyptiques du judaïsme comme le prince des anges préposé par Dieu à la protection de la foi d’Israël dans les temps d’épreuve. Dn 10,13
C’est bien de la foi qu’il s’agit, aujourd’hui comme dans tous les temps et en ce temps de crise la foi provoquée est acculée à protester, à se manifester pour le pas être écrasée.
« Au croyant de persévérer dans l’espérance de l’Avenir que Dieu fait surgir par ceux qui sont des maîtres de justice » A. Ruelle.
On voudrait toujours un monde stable, paisible et voir déjà le résultat de ce qu’on attend. A-t-on raison de croire ?
C’est à ce moment que le prophète prononce son oracle au nom du Seigneur.
Non seulement l’auteur certifie « ton peuple sera sauvé » mais il a dit à quelle condition : cheminer dans la foi, acceptant le cycle du figuier qui avant de porter du fruit commence par laisser pousser ses feuilles : «  dès que sortent les feuilles vous savez que l’été est proche » Mc 13,28
Sur quoi alors se fonde la promesse de la Résurrection ? Pour croire à la résurrection individuelle, il faut, dit Marie-Noëlle Thabut combiner deux éléments : « premièrement , s’intéresser au sort de l’individu pour lui-même ; deuxièmement, croire en un Dieu fidèle qui ne vous abandonne pas à la mort ».
On sait bien que c’est tardivement, au moment de l’exil qu’on parle de responsabilité et rétribution individuelle. Concernant le second élément c’est au cours de la vie et des événements que le peuple a fait réellement et concrètement l’expérience de la fidélité de son Dieu. C’est grâce à lui que l’espérance s’ouvre sur l’au delà.
Même si la fin de l’année liturgique évoque le terme de notre vie et la fin du monde, le texte de Daniel nous invite à prendre au sérieux le temps que nous vivons aujourd’hui, parce que l’aujourd’hui annonce le Royaume. Ce que nous appelons l’au-delà s’aménage ici bas. L’au-delà n’est pas étranger à l’ici-bas.
L’au-delà est déjà là ! La vie du croyant ne se vit pas dans le passé mais dans l’aujourd’hui qui construit demain. Dieu est devant nous. La vie éternelle dont parle Daniel est en nous. Nous la vivons aujourd’hui et elle éclatera en gloire au moment de poser l’acte décisif de notre vie qui est l’acte de mourir.
Posons-nous la question : la foi en une vie que même la mort ne peut compromettre, commande-t-elle nos attitudes dans l’existence quotidienne ?
L’état dans lequel nous trouvera l’éveil éternel dépend de notre vie aujourd’hui.