1ère  lecture : Deutéronome 6/2-6
Voici le commandement, les décrets et les ordonnances que le Seigneur votre Dieu m’a prescrit de vous enseigner, pour que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez prendre possession quand vous aurez passé le Jourdain.
Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses décrets et ses commandements, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie.
Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a dit le Seigneur, le Dieu de tes pères.
Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.
Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur.

A propos de cette lecture :
Le livre du Deutéronome est un livre pour temps de crise proposant, lorsque tout est flou, des points de repères afin de revenir à l’essentiel. Nous dirions, sans pousser la comparaison, que nous sommes aujourd’hui dans une situation semblable dans laquelle la recherche de bonheur les hommes est d’autant plus grande qu’ils manquent et ressentent un besoin urgent de repères. C’est à ce besoin que répond le Deutéronome.
Pour Israël, l’essentiel de sa foi repose sur l’écoute de la Parole de son Dieu. Aussi, Moïse exhorte le peuple à l’écoute du « commandement » (singulier) et des décrets et ordonnances que le Seigneur a confiés à Moïse. Il s’agit de la fameuse confession :
« Schéma Israël », écoute Israël. Notons que le texte parle de « commandement » au singulier. C’est Dieu seul qu’il s’agit d’écouter, le seul et vrai Dieu.
Aussi, avant l’invitation à l’écoute, on trouve cette motivation qui peut nous sembler étonnante à nous aujourd’hui : « Afin que tu craignes- tu craindras». Ce mot « crainte » n’est pas du tout à comprendre dans notre sens habituel et courant. L’une des rares paroles du Premier Testament qui nous était bien connue naguère, dès notre enfance, disait : La crainte du Maître est le début de la sagesse ». (Ps.110, 10 ; Prov.1,7).
Pour l’homme biblique «craindre le Seigneur » c’est « le respecter, le vénérer » dans un sentiment d’amour, de peur de ne pas l’aimer de l’amour qui lui revient. « Dans l’authentique vie de foi, la crainte s’équilibre d’ailleurs grâce à un sentiment contraire :
la confiance en Dieu.

Même quand il apparaît aux hommes, Dieu ne veut pas les terroriser.
Il les rassure :
«  ne crains pas .» Voc. Th. Bibl.
L’invitation de Moïse à l’écoute de Dieu sera la source de la foi du peuple et de son assurance indéfectible qui le conduira à travers le désert jusqu’en terre promise.
« Une telle crainte peut devenir commencement de la sagesse, un chemin y conduit, du moins s’il s’enracine dans le sentiment de l’ineffable. L’émerveillement conduit à la crainte, qui elle-même ouvre le chemin vers la sagesse. Craindre Dieu est tout autre chose que d’avoir peur de lui. »
Ce passage du Deutéronome contient la prière « Schéma Israël », « Ecoute, Israël », que le Juif pieux récite tous les jours comme un acte de foi et de charité. Entrant dans sa maison, dans sa chambre, ce texte lui est sans cesse rappelé par une petite boite (mésuza 1 ) attachée au linteau de la porte et dans laquelle, se trouve ce verset. Pour marquer son adhésion au texte, le Juif pieux touche la « mézuza ». Avec lui, nous pouvons faire nôtre cette écoute du cœur qui ouvre à l’amour de Dieu. Il est remarquable que le texte commence par une promesse de bonheur, non pour plus tard mais pour aujourd’hui.
« Ecoute, Israël ». C’est la grande conversion à laquelle nous sommes appelés. C’est une invitation à entrer dans un dialogue où le Seigneur a le premier mot. Nous avons ainsi à passer de notre attitude habituelle de jugement et de puissance à une attitude d’accueil. Si souvent, avec Dieu, nous pratiquons l’attitude des marchands, des commerçants ! Etre à l’écoute de l’Autre nous conduit au-delà de toute attitude mercantile.
L’audace d’Israël, c’est d’oser croire à l’affection de Dieu. Perpétuel défi ! Nous avons besoin de redécouvrir la foi en un Dieu qui a foi en nous sans que nous en valions la peine. La religion d’Israël, c’est de croire en un Dieu qui, défiant toute utilité, a choisi un peuple insignifiant et l’invite à vivre une relation de réciprocité gratuite.
Invitation à passer du régime du donnant-donnant au régime de la gratuité. Mettons-nous à l’écoute de cette gratuité divine pour sortir de notre analphabétisme spirituel souvent fait de morale et non d’affection et qui, dès lors, fait de nous non des femmes et des hommes libérés, mais bien plutôt des êtres coincés dans la logique et l’ordre. « Ecoute, Israël » et tu surprendras par ta liberté d’aimer alors que le tu voudrais par tes manières d’un enfant sage !
« Ecoute, Israël »… La grande objection à la foi de ceux qui nous regardent vient de ce que nous sommes si peu capables de recevoir, de vivre une dépendance à l’égard d’un amour gratuit. Nous vivons tous l’arme au pied alors qu’il nous est demandé et proposé, de vivre désarmés parce qu’habités par une affection inconditionnelle.

1 Ce terme désigne à la fois le « montant » de la porte et le petit rouleau de parchemin rituellement fixé sur le montant droit des portes des maisons juives contenant, calligraphiés en hébreu, Dt 6/4-9 et Dt 11/13-21.(Dict. de la civilisation juive. Larousse, p.186)