Jérémie 31, 7-9
6 Un jour viendra où les veilleurs crieront dans la montagne d’Éphraïm : « Debout, montons à Sion, vers le Seigneur notre Dieu ! »
7 Car ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! »
8 Voici que je les fais revenir du pays du nord, que je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée : c’est une grande assemblée qui revient.
9 Ils avancent dans les pleurs et les supplications, je les mène, je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné.

« L’aveugle et le boiteux, je les fais revenir » (Jr 31, 7-9)

Retour des rescapés d’Israël
Jérémie dont le nom signifie «  Dieu élevé » ou « Dieu qui élève »a reçu une mission : «  Vois je t’établis en ce jour sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et pour abattre et pour perdre et pour démolir, pour bâtir et pour planter »  1,10. Telle est la double mission que le Seigneur lui confie.
Le propre d’une vocation prophétique est double : non seulement il reçoit la mission de dénoncer au peuple ses péchés mais aussi et surtout il est l’envoyé de Dieu pour encourager le peuple en décelant , discernant les signes du salut que Dieu fait apparaître. Jérémie est ce prophète envoyé pour « arracher, pour abattre, pour perdre et pour démolir » 1,10 Tâche inconfortable qui le contraindra à lutter contre tous et provoque en lui des remous, des questionnements, des doutes. Malgré ce combat douloureux il désire rester fidèle, attaché à son Dieu : «  tu m’as séduit, Seigneur, et j’ai été séduit par toi » 20,7
Mais en même temps il se trouve du côté des hommes dont il se sent solidaire : « doté d’une extraordinaire capacité de souffrir avec tous les affligés, il est lui-même le premier à être déchiré par le malheur dont il menace son peuple. Son attachement à Dieu, à sa parole et à son peuple fait de Jérémie un prophète hors pair ». Mission bien difficile et redoutable pour Jérémie qui est un homme au cœur tendre et affectueux, mais aussi un homme «  saisi, pénétré, nourri de la Parole divine ».

Il est la bouche de Dieu, nourri de la Parole divine : « Quand je rencontrais tes paroles, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur, parce que ton nom était invoqué sur moi, Seigneur, Dieu de l’univers. » (15,16) Jérémie a mission d’être le veilleur qui crie pour inviter les fidèles à monter à la maison du Seigneur. Le veilleur a pour mission de discerner . Il est saisi par
la Parole et comme subjugué par elle au point qu’il ne peut se soustraire à elle. Rares sont les humains qui au plus fort des crises, savent discerner la route à suivre.
Jérémie est de ceux-là. En tant que prophète Il ouvre la bouche à Dieu qui tel un chef de chœur, fera retentir sa voix, invitant le peuple à jubiler. Jean Steinman écrit à propos de Jérémie : «  le chef d’œuvre de Jérémie, les oracles des chapitres 30 et 31, comptent parmi les pages les plus splendides de la bible ».
Ces oracles tiré du livre de la consolation ont été prononcés par le prophète au moment de la domination des Assyriens ou alors durant leur séjour en captivité durant lesquels Jérémie annonce la reconstruction d’ Israël et des temps de bonheur pour lui.
Feu Nouveau écrit : « Ce livre a probablement été rédigé en deux fois. Une première mouture a pu voir le jour entre 622 et 609, au début du ministère de Jérémie, autrement dit à l’époque de la réforme du roi Josias en Juda. Celui-ci, en effet, fait fermer tous les sanctuaires païens ainsi que les sanctuaires de province et recentre tout le culte à Jérusalem, autour d’un seul Dieu, le Dieu
d’Israël et de ses commandements. »
Ce cantique est précédé d’une annonce du retour des exilés qui commence par cet oracle : « je serai le Dieu de toutes les familles, d’Israël, et elles seront mon peuple. »
C’est au moment d’une grande détresse, les heures les plus sombres du siège de Jérusalem par les Assyriens, à quelques jours du démantèlement des murs de la cité sainte et de l’incendie du Temple, alors que le prophète est emprisonné qu’il adresse ce message au nom de Dieu. A la veille de leur départ en déportation Dieu annonce déjà leur retour : «  je changerai le sort de mon peuple, je les ferai revenir au pays que j’ai donné à leurs Pères pour qu’ils le possèdent » 30,3
Alors que la catastrophe est vue comme un châtiment de Dieu, déjà Dieu toujours fidèle à son Peuple n’oublie pas son Alliance, révèle sa miséricorde par la bouche de Jérémie en annonçant leur retour et l’espérance possible parce que Dieu aime son Peuple.. C’est parce que Dieu reste fidèle à son Alliance qu’il «  s’oblige lui-même à la garder et demande à son peuple de lui être fidèle » Romer dans Jérémie p 77.
En pleine détresse nationale, alors qu’Israël a été emmené en déportation, le prophète annonce l’aboutissement de cette apparente défaite. Dès le départ des exilés pour Babylone Dieu leur assure leur retour (v8) Il décrit le retour au pays, retour qui commence dans les larmes qui rendent aveugles et font trébucher. Les yeux qui voient découvrent un chemin qui est tracé. Si le peuple ne capitule pas en son cœur, s’il persévère à chercher Dieu sur des chemins inconnus, Dieu changera la captivité en liberté, la solitude en
communion, les pleurs en rires. Jérémie annonce au v31 l’Alliance nouvelle que Dieu va conclure avec la maison d’Israël qui ne sera pas comme l’Alliance ancienne conclue à la sortie d’Egypte mais «  en ces jours là je mettrai ma Loi au dedans d’eux et sur leur
cœur je l’écrirai ; je serai leur Dieu et eux seront mon peuple » v 33. C’est ainsi qu’on peut entrevoir la perspective d’un retour d’exil qui sera l’œuvre de Dieu.
L’idée dominante de notre texte est manifestement la miséricorde, elle qui «s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent », proche des hommes, en toute circonstance. Personne ne sera exclu de la joie du retour. Même les aveugles, proclame Jérémie, tous les exclus que la Loi par ailleurs considérait comme impropres au culte, seront associés à cette joie de la libération.
L’espérance est possible parce que Dieu aime son peuple, il est son père plein de miséricorde. Dans ce retour le peuple fera l’expérience d’un Dieu essentiellement miséricordieux au delà du péché du peuple.
Jérémie considère l’annonce de la proximité de Dieu comme l’essentiel de sa mission. A une époque où l’Eglise apparaît comme un petit reste fidèle plus que comme une chrétienté imposante, il nous faut être prêts à garder confiance dans sa mission au sein du monde
Un très beau texte à relire « quand l’espérance vacille ». Ces paroles ont fait vivre nos pères dans la foi il peuvent encore nous faire vivre et raviver notre espérance.