Isaïe  45, 1,4-6

Même un païen peut être appelé par Dieu pour réaliser son dessein de salut.

45
1 Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus,  qu’il a pris par la main pour lui soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée :

2   Moi, je marcherai devant toi ; les terrains bosselés, je les aplanirai ; les portes de bronze, je les briserai ; les verrous de fer, je les ferai sauter.

3   Je te livrerai les trésors des ténèbres, les richesses dissimulées, pour que tu saches que Je suis le Seigneur, celui qui t’appelle par ton nom, moi, le Dieu d’Israël.

4  À cause de mon serviteur Jacob, d’Israël mon élu,  je t’ai appelé par ton nom, je t’ai donné un titre, alors que tu ne me connaissais pas.

5  Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : hors moi, pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant,  alors que tu ne me connaissais pas,

6  pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre :

7      je façonne la lumière et je crée les ténèbres, je fais la paix et je crée le malheur. C’est moi, le Seigneur, qui fais tout cela.

8  Cieux, distillez d’en haut votre rosée, que, des nuages, pleuve la justice, que la terre s’ouvre, produise le salut, et qu’alors germe aussi la justice. Moi, le Seigneur, je crée tout cela.

 

A propos de cette lecture :

La liturgie de ce dimanche nous fait découvrir les richesses d’Isaïe. Après nous avoir fait découvrir Dieu qui rassemble tous les peuples à la fin des temps pour prendre part à un grand festin qui évoque le banquet eschatologique il nous ouvre sur la perspective de l’immortalité bienheureuse.

Le texte poétique d’Isaïe nous situe à une époque où Israël prend conscience de ne plus être une puissance politique souveraine. Il ne le sera jamais plus. Isaïe fait allusion aux événements de l’Exil qui sont marqués par  l’intervention de Cyrus.

Je vous invite à lire les versets précédents notre péricope dominicale.

Tous les régimes différents se succédant jusqu’en 70 avant J. Christ, placeront le peuple de Dieu sous la dépendance d’empereurs païens. Cyrus, dont il est question ici, en est un des premiers. Nous sommes vers 540, au moment où Babylone est encerclée et tous se demandent si elle ne sera pas à son tour détruite par un conquérant qui ne semble pas  comme les autres. « N’a-t-il pas traité avec honneur et même pris comme collaborateurs les rois vaincus, au lieu de les mettre à mort ? C’est sans doute cette réputation qui  permettra en 539 de prendre Babylone sans combat. » Cahiers Évangile

 

Voilà qui est étonnant, Cyrus, un païen est appelé le « messie » en grec ‘le christ’, cad. l’oint du Seigneur : désignation réservée aux rois d’Israël.

« L’onction d’huile parfumée symbolisait la pénétration de l’esprit divin investissant un homme et le rendant capable de remplir la fonction que Dieu lui confiait »

 

On comprend pourquoi les auditeurs d’Isaïe, conscients qu’il parle au nom du Seigneur, ont dû être passablement choqués d’entendre un potentat étranger désigné, « oint », christ ! Politiquement parlant, on pourrait parler d’opportunisme ou de basse servilité.

 

Ce titre, ne pouvait être donné qu’à un roi d’Israël, peuple qui se considérait comme le seul à qui Dieu avait révélé son nom et avait donné des rois pour la mission que Dieu lui confiait. Voilà que cette image est remise en question !

Plus d’une fois dans la Bible, on constate que des étrangers répondent mieux aux intentions de Dieu que ceux desquels on pouvait l’attendre. Selon le prophète, les maîtres de l’heure n’agissaient jamais indépendamment de Dieu, aussi accomplissaient-ils ses desseins. Et voilà que ce titre  de « oint » est appliqué à Cyrus, alors qu’il est strictement  réservé à Israël et à son roi. Comment comprendre ?

Bien que Cyrus n’ait pas été matériellement oint au nom du Seigneur, nous lisons ici la manifestation que le Seigneur est assez puissant pour appeler quelqu’un à son service, pour remplir une mission en faveur de son peuple ; en dehors des circuits que l’on dirait « officiels ».

Isaïe, dimanche dernier, nous avait déjà convié à considérer une invitation du Seigneur à son repas de noces, invitation adressée à tous les peuples de la terre. Toutes les nations étaient invitées ! Le Seigneur n’est nullement attaché à nos catégories parfois bien étroites. Voilà comment le Seigneur réalise ses projets tant sur son peuple que sur l’humanité toute entière. Il ne se limite pas à nos étroitesses à et nos critères parfois trop juridiques. Il est assez grand pour attacher Cyrus à son service : il le tient pas la main (Is 42,6) pour ne pas lâcher la main de son peuple Israël.

 

Cyrus va essayer de gagner ses nouveaux sujets par sa tolérance et son respect des personnes. Grâce à lui, l’incroyable va se réaliser et les prophéties d’Isaïe se réaliser : « les rescapés d’Israël vont pouvoir retrouver Jérusalem et le psaume 125 devenir réalité : ‘quand le Seigneur ramena nos captifs nous étions comme en rêve’… »

Manifestement, le souffle de Dieu agit autrement que par les chemins plus ou moins déterminés par le peuple. « Par Cyrus le Seigneur est en train de créer un monde nouveau. Israël pour sa part, reçoit mission de témoin. Autrement dit, il est chargé de révéler la signification  des bouleversements en cours, mais sans les opérer d’aucune façon » Lack dans Ass. du Sgr. 60.

La mission de Cyrus, celle des rois est de « déboucler les ceintures des rois, les désarmer, déverrouiller les battants des portes ;libérer les prisonniers.

Si Cyrus a tant de force c’est bien parce qu’il est l’oint du Seigneur qui est sa force : « il le tient pas la main ». Telle est l’œuvre de Dieu, une œuvre créatrice et de renouvellement.

 

Il nous faut toujours être ouvert à un message qui nous parle d’un Dieu autre que celui auquel nous pensons et qui agit autrement que selon nos projets et rêves personnels.  Isaïe est convaincu que le salut n’est pas seulement destiné au peuple de Moïse mais que toute la terre doit devenir un lieu où la paix peut régner, où l’on fait la justice. On ne peut pas enfermer Dieu dans nos schémas de pensées. Notre espérance doit se laisser instruire à l’écoute du Seigneur au travers des événements, plutôt que de rechigner face aux remises en question fondamentales qui nous sont proposées. L’Esprit nous façonne par la main de Celui qui conduit l’histoire.

 

Comment faire le lien avec l’évangile de ce dimanche ? « Hors moi pas de Dieu » disait Dieu par la bouche d’Isaïe et, avec Cyrus, nous constatons que rien dans l’histoire ne se fait indépendamment de Dieu. Le pouvoir de Cyrus ne lui vient de personne d’autre que de Dieu. Jésus le redira à Pilate au moment de son interrogatoire. Dieu ne se désintéresse pas de la vie des hommes.

« Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César ». St Augustin écrit : « de même que César cherche son image sur une pièce de monnaie, Dieu cherche son image en ton âme.’ Rends à César, dit le Sauveur, ce qui appartient à César ‘. Que réclame de toi César ? Son image. Mais l’image de César est sur une pièce de monnaie, l’image de Dieu est en toi. Si la perte d’une pièce de monnaie te fait pleurer parce que tu as perdu l’image de César, faire injure en toi à l’image de Dieu, ne sera-ce point pour toi un sujet de larmes ? »

 

 

Cyrus II le Grand et les Hébreux ©Domaine public