Siracide 27/30-28/7
30 Rancune et colère sont aussi des choses détestables, où l’homme pécheur est passé maître.
1 Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur qui de ses péchés tiendra un compte rigoureux.
2 Pardonne à ton prochain l’injustice commise; alors, quand tu prieras, tes péchés seront remis.
3 Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander au Seigneur la guérison?
4 Il n’a nulle pitié pour un homme, son semblable; comment peut-il prier pour ses propres péchés?
5 Si lui qui n’est que chair entretient sa rancune, qui lui obtiendra le pardon de ses propres péchés?
6 Songe à la fin qui t’attend, et cesse de haïr, à la corruption et à la mort, et observe les commandements.
7 Souviens-toi des commandements, et ne garde pas rancune à ton prochain, de l’alliance du Très-Haut, et passe par-dessus l’offense.

A propos de cette lecture :

Ben Sirac est un homme vivant au 2e siècle avant le Christ, dans les années 180. A ce moment la perspective est encore individuelle et on met en avant le jugement et la colère de Dieu ce jour là.
Mourlon Beernaert dit qu’avec Ben Sirac ce qui change c’est l’expression d’une sagesse humaniste et croyante.Il retient dans ce texte le jeu d’oppositions très nettes entre : la rancune et la remise, la colère et la prière, l’obstination et la guérison, la vengeance et la pitié, la haine et la fidélité, l’erreur et l’oubli, le péché et le pardon.
Ben Sirac sait que Dieu déverse sur les hommes sa miséricorde et sa pitié.

Le privilège du pardon des offenses était comme un domaine réservé à YHWH. Le Premier Testament se contentait de proscrire la vengeance et invitait le juste persécuté à s’en remettre à la justice de Dieu qui le sauverait.
Au 2ième siècle avant notre ère, Ben Sirac le Sage semble être le premier à Jérusalem à oser inviter le croyant au pardon des offenses. La perspective reste cependant dans la ligne de la sagesse humaniste de son temps. nettement individualiste. Son point de vue relève plus de la culture grecque que de la tradition biblique. L’auteur dénonce les méfaits du ressentiment indigne de l’homme raisonnable. Il fonde seulement sa morale sur la Loi de Dieu, mettant en avant sa colère au jour du jugement.
On est loin encore de la perspective évangélique qui invite le chrétien à imiter les mœurs de Dieu, à aimer comme Il nous aime. Toutefois, son amour, son pardon, n’a pas d’autre moyen de s’exprimer que par les médiations humaines. Refuser d’aimer, de pardonner, c’est étouffer en nous l’amour et le pardon de Dieu, c’est tuer sa vie que nous portons en nous. Faire preuve de rancœur, c’est avoir le cœur « rance » !

Dieu seul peut remettre les péchés, disent à juste titre les scribes et les Pharisiens. En liant le pardon à la conduite de l’homme, Ben Sirac écarte l’accusation, la considérant d’arbitraire.
La perspective du jugement de Dieu seul continue de planer sur le Sage et l’oubli de l’offense reste son seul espoir quand il regarde vers son Seigneur.
Faire oublier ce que nous sommes pour donner à l’autre la chance de devenir qui il est, n’est-ce point là l’intime du secret de Dieu ? « Qui regarde vers Dieu resplendira, sur son visage point d’amertume ». (Chant de Taizé).

V1 : « l’homme qui se venge… »C’est l’annonce de Jésus disant : « le jugement dont vous jugez , ainsi on vous jugera, et la mesure dont vous mesurez ainsi on usera pour vous ».
v2 : « tes péchés seront remis » Seul Dieu peut remettre les péchés. L’objection des scribes et des pharisiens reflète bien la pensée unanime du judaïsme sur le pouvoir exclusif de Dieu pour le pardon des péchés.
Si Dieu ainsi pitié de nous, ne devons-nous pas à notre tour être miséricordieux comme il l’est vis à vis de nous ?
V7 :« ne garde pas rancune », c’est ainsi que tu aimeras ton prochain.
« Si le pardon de Dieu est toujours offert, on ne peut entrer dans ce pardon de Dieu que si notre cœur est cette logique de la miséricorde. C’est pourquoi il nous faut entrer dans cette logique de la grâce » Feu Nouveau 60/5.116