Deutéronome (4, 1-2.6-8)

1 Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique.

Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. 2 Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris.

3      Vous voyez de vos propres yeux ce que le Seigneur a fait à Baal-Péor : tous les hommes qui avaient suivi le Baal de Péor, le Seigneur ton Dieu les a retranchés de toi et les a exterminés. 4 Mais vous qui êtes restés attachés au Seigneur votre Dieu, vous êtes tous vivants aujourd’hui !

5    Voyez, je vous enseigne les décrets et les ordonnances que le Seigneur mon Dieu m’a donnés pour vous, afin que vous les mettiez en pratique dans le pays où vous allez entrer pour en prendre possession.

6    Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront :

« Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation ! »

7    Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? 8 Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd’hui ? 9 Mais prends garde à toi : garde-toi de jamais oublier ce que tes yeux ont vu ; ne le laisse pas sortir de ton cœur un seul jour. Enseigne-le à tes fils, et aux fils de tes fils.

 

A propos de cette lecture :

 

Le livre du Deutéronome situe ce discours de Moïse, juste avant l’entrée qui sera la prise de possession du pays que le Seigneur a promis à Israël.

Qu’en penser à la lumière de l’évangile de ce jour ? Certains ne le voient pas dans la ligne du texte de ce jour, alors que nous trouvons une réaction positive face au formalisme pharisiens.

Nous sommes face à un très beau texte, un peu le testament de Moïse avant son entrée en terre promise. C’est un rappel de tout le parcours à partir de la sortie d’Égypte dont Moïse révèle le secret qui a animé cette belle aventure : ce secret c’est la présence continuelle de Dieu auprès et avec son peuple, un Dieu proche de son peuple et de son histoire.

Cette présence, Israël en est conscient, de jour et de nuit, dans les bons moments comme dans les épreuves et les difficultés Dieu a toujours répondu « présent », il a combattu avec eux, il n’a cessé de les sauver.

Israël ne peut oublier un Dieu proche, un Dieu qui parle au cœur  par les commandements qu’il a laissés ; ils sont donnés afin qu’ils vivent : « ainsi vous vivrez » . Ils seront pour le peuple leur sagesse et leur intelligence.

Il était important au moment de la nouvelle étape, l’entrée en possession de la Terre Promise, de redire avec H. Cazelles que « Dieu reste le Dieu des Patriarches, le Dieu puissant qui dirige et protège celui auquel il s’est révélé.

C’est le seul qu’il faut écouter…Il est maître de la nature, de la vie et de la fécondité…Il leur a donné un territoire, il peut le leur retirer. Ce Dieu est avant tout, le Dieu d’Israël. Yahvé est la puissance de vie qui fait subsister Israël au milieu des nations et lui donnera expansion et victoire ».

 

Le chapitre 4 du Deutéronome présente la Loi, la Torah, comme la Sagesse d’Israël.

Dans ce texte, Moïse se  fait  l’avocat de la Loi qui, avec ses prescriptions et ses coutumes, joue un rôle formateur auprès du peuple. La Torah accomplie jusque dans ses conséquences les plus concrètes ouvre la porte au Dieu saint.

« Quelle grande nation a des dieux qui s’approchent d’elles comme le Seigneur notre Dieu ? … et quelle grande nation a des lois et des coutumes aussi justes que toute cette Loi que je mets devant vous aujourd’hui ? »

La perfection de la Loi  se trouve dans ce qu’elle produit : l’accès au Dieu vivant. La vie et la sagesse sont dorénavant les signes distinctifs du peuple de l’Alliance. « L’idéal que nous présente le Deutéronome est la Torah dans le cœur, et le nom de Yahvé sur les lèvres dans l’unique sanctuaire. »

 

C’est bien la caractéristique de la Torah : ce ne sont pas des lois ni un code civil, mais  la proximité de Dieu avec son peuple, qui fait histoire avec lui, et comment vivre dans cette harmonie toute divine.

Cette proximité est telle que « les droits de l homme se confondent avec les droits de Dieu, se confondent dans un compagnonnage harmonieux » Signes.

 

« Ecoute Israël ». Israël est le peuple, non d’un livre d’abord, mais d’une Parole. « Écoute et vous vivrez ». On ne garde bien les commandements de Dieu que lorsqu’on les vit, non lorsqu’on les subit.

Les consignes confiées à son peuple par le Seigneur sont appel à une vie, un agir, fruits d’une écoute filiale.

Il ne s’agit nullement d’un appel à la servilité, dans une pratique d’observances purement extérieures, mais bien d’une rencontre personnelle avec Dieu vécue dans une écoute qui nous engage dans des comportements concrets.

Le tout est de garder cette Loi au double sens du terme : l’appliquer et ne pas y toucher : c’est en répondant à  cet appel, avec sagesse et intelligence, au  jour le jour,  que le peuple marchera avec Dieu et Dieu avec lui, qu’il sera son Peuple et éprouvera sa fidélité.

 

Le petit peuple confronté aux grandes puissances qui l’environnent éprouve le besoin de s’affirmer. Comme il  ne peut rivaliser avec elles au niveau de la force, il prétend le faire et même surpasser au niveau de la culture humaine et religieuse, dont il se sait porteur. D’où cette touche un peu nationaliste et vantarde qui colore le texte du Deutéronome, mais que l’histoire d’Israël, en particulier l’Exil et ensuite l’Évangile, atténuera.

Les versets 6 et7 « il n’y a pas un peuple sage et intelligent….quelle est en effet la grande nation ? … » ont peut-être une touche nationaliste et vantarde mais Israël a conscience que son Dieu est différent des dieux territoriaux  des autres peuples. « C’est vraiment un super-dieu, qui mérite d’être le Dieu de tous les peuples ».

Dans cette fidélité indéfectible de Dieu il révélera aux nations païennes quel Dieu est son Dieu et  qu’éclatera la bonté du Seigneur et sa magnificence à l’égard de son peuple.

Quelle est cette sagesse dont le peuple se revendique avec tant de fierté et qui étonne les peuples ? « La sagesse est le savoir-faire –le savoir-vivre par lequel on se montre capable de surmonter les difficultés, de répondre aux questions que pose la vie tout au long des jours, bref de dominer son existence, de savoir où on va.

Pour notre auteur les commandements répondent à cela…on les juge susceptibles de provoquer l’admiration des étrangers…ce qui peut frapper c’est le mode de vie qu’ils définissent ensemble » Wiener dans Ass du Sgr 53

 

« Sous cet aspect, le message du Deutéronome se rapproche considérablement du Nouveau-Testament, en particulier de l’évangile de Jean. Voilà qui explique que certains exégètes pensent que le Deutéronome a servi de modèle au « Discours d’adieu » de Jésus en Jean 13,31-16,33.

L’accent mis sur l’ amour de Dieu comme base de l’obéissance à la loi, et sur la loi comme expression de l’amour, les références aux « signes » comme preuve de la présence de Dieu et indication de sa nature, …sont des thèmes communs au discours d’adieu de l’évangile de Jean et au Deutéronome, « Discours d’adieu » de Moïse au peuple d’Israël » Cahiers Évangile 63

 

On comprend que Saint Jérôme voie dans le Deutéronome la préfiguration de l’Évangile.