1ère lecture : I Rois 3/5.7-12

5  A Gabaon, le SEIGNEUR apparut à Salomon, la nuit, dans un rêve ; Dieu lui dit :          «Demande ! Que puis-je te donner ? »

[6  Salomon répondit : «Tu as traité ton serviteur David, mon père, avec une grande fidélité parce qu’il a marché devant toi avec loyauté, justice et droiture de cœur à ton égard, tu lui as gardé cette grande fidélité en lui donnant un fils qui siège aujourd’hui sur son trône.]

7 Maintenant, SEIGNEUR, mon Dieu, c’est toi qui fais régner ton serviteur à la place de David, mon père, moi qui ne suis qu’un tout jeune homme, et ne sais comment gouverner.

8  Ton serviteur se trouve au milieu de ton peuple, celui que tu as choisi, peuple si nombreux qu’on ne peut ni le compter ni le dénombrer à cause de sa multitude.

9 Il te faudra donner à ton serviteur un cœur qui ait de l’entendement pour gouverner ton peuple, pour discerner le bien du mal ; qui, en effet, serait capable de gouverner ton peuple, ce peuple si important ? »

10     Cette demande de Salomon plut au Seigneur.

11    Dieu lui dit : «Puisque tu as  demandé cela et que tu n’as pas demandé pour toi une longue vie, que tu n’as pas demandé pour toi la richesse, que tu n’as pas demandé la mort de tes ennemis, mais que tu as demandé le discernement pour gouverner avec droiture,

12  voici, j’agis selon tes paroles : je te donne un cœur sage et perspicace, de telle sorte qu’il n’y a eu personne comme toi avant toi, et qu’après toi, il n’y aura personne comme toi.

 

A propos de cette lecture :

Le vrai trésor ? la vraie richesse ?

Réflexions  d’un sage sur la vie de Salomon

 

Saül et David avaient été  choisis comme roi par Dieu et oints par le prophète de cette onction qui authentifiait le choix de Dieu. Contrairement à Saül et  David qui avaient été choisis par le Seigneur, Salomon lui règne « en fonction d’un principe dynastique qui pourrait être sujet à une appropriation du pouvoir et au risque d’une volonté de puissance à la manière des rois politiques. C’est Dieu qui règne ! même s’il le fait par l’intermédiaire des hommes. »

Lorsqu’il est question de royauté en Israël, il ne faut pas penser d’abord aux rois selon les critères de nos monarchies actuelles. En Israël, le roi cumulait plusieurs fonctions de par la volonté de Dieu. Il devait, de plusieurs manières, veiller à l’unité du peuple de Dieu, le protéger contre les attaques de l’ennemi, veiller aux bonnes relations au sein du peuple. Sa fonction était aussi sacerdotale : permettre les relations du peuple avec le Dieu vivant, à travers les rites de la liturgie du Temple.

C’est par la volonté de son père et grâce aux intrigues de sa mère Bethsabée  que le prêtre Sadoq oint Salomon. « Il lui manque dit Martin Achard, la consécration divine, un fait qui justifie aux yeux du peuple de Dieu ce qui s’est passé. Le rêve de Gabaon répond à cette préoccupation » Ass du Sgr 48,8

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Le règne de Salomon  commence avec plein de promesses et dans la fraîcheur de sa jeunesse il se fait une certaine idée…nous dirions il rêve à ce qu’il fera et quel roi il sera. Le jeune homme ne part pas de zéro. Il doit tout ce qu’il possède à ses ancêtres, et tout ce qu’il a reçu de ceux-ci, vient de Dieu. Son règne a commencé dans la fraîcheur, l’illusion. Et on pouvait espérer un règne éclatant de splendeurs, de victoires.

 

Au premier livre des Chroniques 22  nous lisons: « 7 David dit à Salomon: «Mon fils, j’avais à cœur, moi-même, de construire une Maison pour le nom du SEIGNEUR, mon Dieu.  8 Mais la parole du SEIGNEUR me fut adressée en ces termes: ‹Tu as répandu beaucoup de sang et tu as fait de grandes guerres. Tu ne construiras pas de Maison pour mon nom, car tu as répandu beaucoup de sang sur la terre devant moi.  9 Voici, il t’est né un fils qui sera, lui, un homme de repos et auquel j’accorderai le repos vis-à-vis de tous ses ennemis d’alentour, car Salomon sera son nom, et je donnerai paix et tranquillité à Israël pendant ses jours.  10 C’est lui qui construira une Maison pour mon nom. Il sera pour moi un fils, et je serai pour lui un père et j’affermirai son trône royal sur Israël pour toujours… »

 

Salomon rêvait d’un royaume où chacun serait traité avec justice, où règnerait la paix et le partage entre tous, où il n’y aurait plus de pauvres. Il a reçu de son père la mission de construire le temple. Que fait le roi  pour asseoir son pouvoir ? Le temple n’est pas encore construit, il va alors à Gabaon, « le grand haut lieu » c’est à dire le plus grand , pour honorer Dieu et lui confier la mission qu’il doit désormais remplir.  Gabaon est un de ces hauts lieus de culte (à quelques kilomètres de Jérusalem) qui existaient déjà avant l’arrivée d’Israël et qui a été une référence pour le peuple jusqu’à la dénonciation et le rejet  violent par les prophètes. Salomon vient y prier Dieu ( le temple n’est pas encore construit) et offrir des sacrifices en vue de demander la protection du Seigneur. C’est là qu’aura lieu la rencontre entre Dieu et Salomon. Le songe qu’il y fait, voudrait lever toute ambiguïté et remettre le règne de Salomon dans la bonne ligne d’un choix et d’une consécration royale sous le regard de Dieu .

« Le songe de Salomon nous rappelle une tradition religieuse très ancienne au Moyen Orient. On ne se contentait pas des révélations que les prophètes pouvaient recevoir en songe, et les rois en particulier allaient passer la nuit au sanctuaire dans l’espoir d’une communication divine ; une prêtresse parfois les assistait. C’est ainsi que les fameuses tours pyramidales à étages (les ziggourats) qu’on voyait à Babylone portaient à leur sommet une chambre destinée à cet effet. On se souviendra de Saül qui passe la nuit près de Samuel au retour du sanctuaire et qui, le lendemain, reçoit sa consécration ; de Samuel aussi qui, lui, était déjà un habitué du sanctuaire. » Note de la Bible des Peuples

v 5 : Pour Salomon, contrairement à David et Saul, aucun prophète n’intervient. Il semble être dans une relation presque directe avec Dieu. C’est  en tout cas Dieu qui a l’initiative  et c’est d’ailleurs le sens du songe par lequel Dieu répond à l’homme et le consacre dans la mission qui lui est confiée. Étonnante question de Dieu qui demande ce qu’il doit donner à Salomon le tout jeune roi. Le verset 4 signale la démarche de Salomon à Gabaon pour y sacrifier quantité d’holocaustes. Cette seule quantité suffit à elle seule de voir l’importance que donnait Salomon à ce déplacement et à celui à qui il veut confier sa mission.   Il voit d’ailleurs son rôle de roi non comme un privilège mais un service au peuple de Dieu. On comprend mieux alors le sens de sa prière. Donne-moi l’intelligence nécessaire pour gouverner ton peuple. Salomon se préoccupe d’être à la hauteur de ses responsabilités. Il a néanmoins sous les yeux d’autres formes de “sagesse” très appréciées à l’époque

V 5 « Salomon n’a pas le temps de formuler sa prière que Dieu lui apparaît en songe. Dans ce contexte religieux, le rêve n’est pas pur phantasme ; il équivaut à une vision à travers laquelle la divinité manifeste sa présence et son autorité. C’est une démarche qui vaut ici ratification de la transformation de l’institution royale » Bernard Renaud dans Feu Nouveau .

V6 : Salomon s’inscrit dans la lignée royale, il est l’objet d’un choix : « Tu as montré une très grande bonté à ton serviteur David, mon père. » Le jeune homme ne part pas de zéro. Il doit tout ce qu’il possède à ses ancêtres, et tout ce qu’il a reçu de ses ancêtres vient de Dieu. Salomon sait que Yahvé s’est engagé envers David pour toujours : “Je ne repousserai jamais tes enfants.”

«  Demande-moi ce que tu veux. Telle est la proposition de Dieu au jeune Salomon, son bien-aimé. Telle est la proposition de Dieu à n’importe quel jeune qui affronte ses responsabilités pour la première fois. Sa vie ne sera pas un destin imposé ; d’une manière ou d’une autre, Dieu lui donnera ce qu’il a désiré »1

IL commence sa prière par dire : « c’est toi qui m’a fait roi » : en fait il n’est pas été désigné directement par Yahvé mais il est devenu roi à la suite d’intrigues de la part de sa mère Bethsabée entre autres. Il reconnaît qu’à travers celles-ci c’est le Seigneur qui l’a conduit et lui a donné le pouvoir de roi et qu’il a une mission à remplir. Mais il lui manque quelque part une reconnaissance officielle, une consécration de la part du Seigneur qui lui accorde la sagesse, le discernement  pour le légitimer une bonne fois pour toutes. « Le rêve de Gabaon répond à cette préoccupation. Yahvé apparaît à Salomon, ses paroles confirment le choix de son père »2. , C’est la réponse de Dieu au vœu de Salomon.

V8 : Conscient de sa jeunesse il demande au Seigneur ce que lui seul peut donner : « un cœur qui écoute » et le discernement pour assurer ses responsabilités avec un bon jugement, discerner entre le bien et le mal. Il demande l’Esprit de discernement pour juger le peuple.  Il  souhaite la sagesse qui lui permettra de distinguer le bien du mal. Cette sagesse biblique qui permet au croyant de faire justice à tous, de veiller à ce que tous les humains soient respectés et puissent garder un cœur libre pour vivre une vraie relation à Dieu. Celui qui vit de cette manière portera des fruits, il accueillera l’avenir que Dieu lui donne,  il sera témoin d’espérance.. Le Seigneur approuve le choix de Salomon qui n’a pas demandé pour lui mais seulement en fonction de sa mission de roi.

V12 : Le Seigneur s’émerveille de la prière de Salomon toute entière ouverte sur sa mission. La réponse de Dieu : l’Esprit lui est donné pour « gérer le Royaume selon le projet de Dieu. Bien plus ce qu’il n’a pas demandé ce sont les richesses que le Seigneur lui accordera et qui finiront pas le corrompre.

« Il ne fait aucun doute que le règne de Salomon a coïncidé avec l’épanouissement de la sagesse en Israël, grâce aux cadres administratifs du royaume formés à l’école égyptienne . Un nouvel esprit à la fois religieux et rationaliste, anime les classes dirigeantes, un véritable humanisme »

 

 

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                M. Achard dans Ass du Seign pe8