1ère lecture : Amos 7/12-15

 10   Amazias, le prêtre de Béthel, envoya dire à Jéroboam, roi d’Israël : « Amos prêche la révolte contre toi, en plein royaume d’Israël ; le pays ne peut plus supporter tous ses discours,

11 car voici ce que dit Amos : ‘Le roi Jéroboam périra par l’épée, et Israël sera déporté loin de sa terre.’ »

12   Puis Amazias dit à Amos : « Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète.

13 Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. »

14   Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers.

15 Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’

 

A propos de la 1ère lecture :

Nous sommes aux environs de 750 avant Jésus-Christ, la Palestine est divisée en deux royaumes : celui du Nord et celui du Sud. Amos est du Sud, cependant il refuse la division et la rivalité entre le Nord et le Sud ; ce qui lui permet de se rendre au Nord, au sanctuaire de Bethel construit en opposition à celui de Jérusalem. Là il prophétise la disparition totale de la Samarie, qui de fait disparaîtra en 721.

En Israël le pouvoir tentait sans cesse de « domestiquer le rôle prophétique », or voilà qu’Amos vient à parler à Béthel contre Bethel. « Le prophète s’adresse aux fidèles sur le mode ironique d’un invitatoire, il dénonce le zèle d’Israël  qui prétend honorer le Seigneur sans renoncer au péché. L’orateur avec une complaisance manifeste détaille les actes cultuels qui se déroulent ponctuellement en ce lieu. » Ch Auret dans Ass. du Seigneur. Ce qu’il dit dérange car sa parole est subversive : il met en cause les agissements, contraires à l’Alliance, du souverain et ce qu’il dit est intolérable pour le pays. On comprend qu’il ne soit ni aimé ni accepté à Béthel.

Chaque fois qu’un homme a été obligé de devenir prophète, c’était pour modifier une situation d’injustice, pour sauver le peuple, pour recréer, pour créer du nouveau.

Parce que le peuple n’écoute pas l’appel à la conversion que Dieu annonce par son prophète, le châtiment sera terrible : « j’abhorre l’orgueil de Jacob et ses palais je les hais…il n’y aura qu’un petit nombre de rescapés pour sortir les ossements de la maison…» 6,8-10.

 

Face à la menace d’Amazias, Amos tient bon, sa résistance morale s’enracine dans la conscience qu’il a d’être appelé. Dieu a mis sa main sur lui. Aucun prêtre, aucun roi, aucun régime ne pourra jamais le manipuler.  Il explique l’origine de son ministère, il nous en présente le message ainsi que les conséquences sociales, institutionnelles et religieuses.

  1. 14 « Le verset 14 est une phrase nominale, donc sans verbe : « Pas prophète moi et pas fils de prophète moi, car bouvier moi et traitant les sycomores ». Faut-il traduire la phrase au passé ou au présent ? Si l’on rend la phrase au passé, «je n’étais pas… » on sous-entend qu’Amos est devenu prophète à partir du moment où le Seigneur l’a appelé et envoyé prophétiser à Israël. En revanche, si l’on traduit par un présent («je ne suis pas… car je suis… »), cela signifie qu’Amos se situe en dehors des prophètes traditionnels et des confréries de prophètes. Il serait envoyé porter une Parole à Israël de la part de son Dieu, mais sans pour autant s’identifier aux prophètes professionnels, indépendamment d’eux. » Cahier Évangile 64, p.24,

 

Les reproches d’Amos mettent en cause la manière de vivre l’Alliance et les actes cultuels. Amos, le trouble fête, dénonce les multiples violences, le cumul des richesses mal acquises qui permettent de se vautrer dans le luxe. En effet, trois griefs reviennent : l’immoralité, les injustices sociales et la recherche de soi-même. A propos de l’immoralité dont il s’agit ici elle n’est pas d’ordre sexuel mais sacrée c’est à dire cultuelle : s’exprimant dans des rites honorant Baal et Astarté.

Les injustices sociales : on exploitait les plus faibles et on profitait de leur fragilité pour les écraser. A propos du respect de soi-même : Amos critique « un culte où l’homme se recherche soi-même plus qu’il ne recherche Dieu » Hauret p 71.

 

v.8-10. La péricope commence de manière abrupte. En s’adressant à Amos Amazias  lui avait dit : «  va-t-en d’ici » cad de Béthel.  Les propos ne sont pas tendres : il reproche à Amos de s’occuper de ce qui ne le regarde pas et de faire de sa vocation un métier. L’appelant « le voyant », il l’accable d’être un illuminé qui n’est pas du pays, un étranger considéré comme « un pique assiette » c.a.d. quelqu’un qui prophétise pour gagner de l’argent.

Mais, sur deux points, Amos, le prophète, se démarque de ceux qui ont fait du prophétisme une profession : il  n’est ni inféodé, ni asservi à un quelconque pouvoir religieux ou civil. Ce qui le distingue indiscutablement, c’est sa vocation, le choix personnel par Dieu. S’il prophétise donc ce n’est ni par goût, ni par profession, ni par nécessité matérielle, mais pour obéir à la Parole divine qui lui a été adressée.

Le verset 14 décrit bien la vocation : «  ce n’est jamais ce qu’on avait prévu, ni voulu » Quand l’appel de Dieu vous saisit il ne vous demande pas votre avis nous dit Amos, il ne tient pas compte de votre situation, il demande seulement de mettre votre être tout entier à son service : Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël » v.15

 

Avec Amos, nous réalisons qu’une mission ne peut jamais se réduire à une manière de vivre ou à une alternative en vue d’un programme idéologique. La source d’une mission authentique ne peut se trouver ailleurs qu’en Dieu et dans sa Parole.

Déjà à ce moment  se pose le « problème de relation entre religion-état, entre liberté d’expression et censure. Amos vivait à Tequoa, à 25 kilomètres de Jérusalem, il était perceur de sycomores (on retirait la sève) et berger.

 

La vocation et la mission du prophète n’est pas sans risque : en proclamant la Parole du Seigneur il va à l’encontre des pratiques et coutumes habituelles. Il risque sa vie. Sans faire de la récupération, on peut se demander écrit C. Ferrière pourquoi si peu de jeunes veulent consacrer leur existence au service de l’Évangile.

«  Peut-être est-ce surtout parce que l’élan prophétique qui a inspiré l’existence d’Amos a déserté trop de chrétiens et de « ministres ». Et s’il nous fallait nous aussi abandonner nos sycomores pour redonner aux jeunes le goût de prendre au sérieux l’Évangile ? »

C’est là sans doute qu’il faut trouver le motif de la raréfaction du nombre de prophète aujourd’hui.