1ère lecture : Sagesse 1/13-15 ; 2/23-24

1 Aimez la justice, vous qui gouvernez la terre, ayez sur le Seigneur des pensées droites, cherchez-le avec un cœur simple,

2    car il se laisse trouver par ceux qui ne le mettent pas à l’épreuve, il se manifeste à ceux qui ne refusent pas de croire en lui.

 7    L’esprit du Seigneur remplit l’univers : lui qui tient ensemble tous les êtres, il entend toutes les voix.

13  Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.

14  Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie: on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre,

15  car la justice est immortelle.

 

21  C’est ainsi que raisonnent ces gens-là, mais ils s’égarent ;

leur méchanceté les a rendus aveugles.

22  Ils ne connaissent pas les secrets de Dieu,  ils n’espèrent pas que la sainteté puisse être récompensée, ils n’estiment pas qu’une âme irréprochable puisse être glorifiée.

23  Or, Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même.

24  C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

 

A propos de la 1ère lecture :

Le Livre de la Sagesse est adressé aux Juifs par un de leurs frères qui les estime en danger et veut les ramener à Dieu par leurs traditions et ainsi prendre le chemin de la vie. Quel est-il ce chemin de la vie ?

Il pose donc,  dès le début, le principe de l’espérance juive : Dieu a tout créé et sa création est bonne, Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable et pour lui la vie des justes vécue sous le regard de Dieu continue après la mort , en Dieu : «La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, 15     car la justice est immortelle ». la mort n’est pas son œuvre.

Cahiers Évangile (100) dit à propos de ce texte : «  la Sagesse de Salomon  composée à Alexandrie, en Égypte, vers 50 av J-C, est une sorte d’initiation à la Bible pour des Juifs hellénisés ou des Grecs attirés par la foi d’Israël. Le passage fait partie d’un long appel à refuser les œuvres de la mort ».

Ce passage se situe dans une situation de répression et de condamnation. Dans ce contexte l’auteur invite au premier verset du chap 1 à aimer la justice. L’auteur a pour but de conforter ses « destinataires juifs dans la foi de leurs pères ».

Le choix du lectionnaire ne nous présente que quelques versets du chapitre 1 et 2 , ce qui ne facilite pas la compréhension. Il omet la description de la vie des impies au chapitre 2 dans lequel la vie des impies est caractérisée comme « courte et triste est notre vie ». On retrouve dans la littérature grecque ces mêmes vues désabusées.

Osty cite Sophocle dans Œdipe à Colone (1224 –1227) : «  ne pas naître est le sort qui surpasse tous les autres et celui de beaucoup s’en rapproche le plus, c’est aussitôt qu’on a paru à la lumière, de retourner d’où l’on vient au plus vite ».

Confrontés à la puissance de la mort, le désarroi nous enserre de toutes parts. Mais l’auteur de la Sagesse nous affirme que Dieu n’a pas fait la mort. Il le répète en disant que l’Hadès ne s’exerce pas sur la terre car la justice est immortelle. Il attribue la réalité, la présence de la mort dans ce monde à la jalousie du diable. Comment le sage peut-il écrire cela alors qu’il sait que les justes comme les injustes doivent mourir ?

 

Il fait une distinction (comme Jésus) entre deux sortes de morts :  la mort naturelle, inhérente à la finitude de l’existence humaine, et la mort  «entrée dans le monde », une mort qu’on pourrait appeler «anti-naturelle », due  aux hommes qui s’opposent à Dieu.

 

Il ne faudrait pas en rester au sens premier de la mort : la TOB fait remarquer que pour l’auteur la vraie mort n’est pas physique mais d’ordre spirituel. Déjà présent dans la vie des impies elle devient définitive dans l’au delà. L’auteur est convaincu que « l’homme est appelé à tisser une réalité immortelle » au delà de l’aspect visible, corporel.

Les impies vivent sous le signe de la mort, car leur conception de la vie est inspirée par le refus de toute transcendance (2,2-9) et le mépris de toute valeur morale : leur regard ne va pas au delà de la matière et de l’aujourd’hui, tout- entier tournés vers la terre.

Pour nous aider à aller au delà, discrètement l’auteur rappelle la bonté de la création créée à l’image de son créateur, Dieu : si elle est détériorée c’est l’œuvre du « diable » et non l’œuvre de Dieu : « Dieu n’a pas fait la mort, il se réjouit pas… »

Si la vie possède une autre dimension qui lui vient de son créateur il est tout à fait normal que l’auteur invite les juifs à rester branchés sur les valeurs ancestrales du judaïsme et de rechercher la Sagesse.

 

Même s’il reconnaît que la mort est entrée par la jalousie du démon il importe de le débusquer pour ne pas se ranger de son côté.

Face au mystère du Mal qui met en échec la Vie, le croyant est invité à opter délibérément pour le chemin de la vie en raison de son origine « créé pour l’incorruptibilité, image de la propre nature de Dieu ».  2,24

Feu Nouveau écrit : « La preuve en est le statut d’image (en grec : icône) affecté à l’être humain, l’image, la ressemblance à Dieu ainsi instaurée concerne « l’identité » (mot savant et rare en grec) de la créature, non seulement l’apparence. L’homme créé à l’image de Dieu a donc normalement part à l’immortalité divine, ce que contredit l’expérience ordinaire.

D’où la référence au diable, supposé jaloux de l’homme et tenu pour responsable de l’intrusion de la mort au sein d’une création promise à la vie. Le  recours au langage du mythe – qui est bien celui des premiers chapitres de la Genèse – dit éloquemment l’incapacité humaine à penser le paradoxe d’un être humain créé immortel, mais affronté à la mort inéluctable.

La seule réponse possible est celle de la foi en un Dieu plus grand que la mort, et comme dit le texte dans sa première partie, doté d’une « justice i » Feu Nouveau 61/4 pe 99

C’est la situation de beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui face à une souffrance qui dépasse la limite du supportable.

Que font les hommes ? Comment réagissent-ils ? Car la souffrance est bien au cœur de la vie de tout homme. L’essentiel serait de savoir comment l’intégrer dans notre vie de sorte qu’elle puisse rester dans la limite du « supportable ».

« Aujourd’hui comme hier, la mort ne règne pas sur la terre, ce qu ne la nie pas mais lui enlève sa domination, car la justice est immortelle, autrement dit la relation exacte et fidèle entre Dieu et la créature ne peut pas se dissoudre » Supt à célébrer, 211.25

C’est finalement une vision optimiste de la destinée de l’homme et de l’univers que l’auteur veut nous donner parce que totalement inspirée, enracinée dans sa vision de foi , inspirée du projet de Dieu : «  il a créé toute chose pour qu’elle soient : les créatures du monde sont salutaires.

N.B. : Le verset qui clôture la première partie de notre lecture sert d’inclusion à tout ce qui précède. Le mot justice se retrouve  dans le verset 1 et dans le verset 15,  Le verset qui clôture la deuxième partie de notre lecture fait inclusion 1/16. (« Etre de son parti »).

Jésus ne dit-il pas en Jean 11/26 «qui croit en moi ne mourra pas » ?) Si Dieu a créé l’homme mortel, l’homme, lui,  a fait naître dans le monde la «deuxième » mort.