Homélie du 1er dimanche de l’Avent – A –

 

Tous les ans, à l’automne, les habitants de Jérusalem quittaient leurs maisons pour aller habiter dans des cabanes pendant 8 jours. Ils étaient rejoints par des Juifs venus de partout pour célébrer la fête de Tentes. Il s’agissait de revivre la démarche des ancêtres qui avaient traversé le désert dans des conditions de confort rudimentaires pour arriver en Terre Promise. En célébrant cette fête des Tentes, les Juifs traduisaient leur désir de vivre des jours plus heureux.
Il faut dire qu’au 8ème s. avant J.C., les Juifs sont en Terre Promise mais ce n’est pas encore le paradis. Les Assyriens (l’Irak du nord) se déploient dans les pays voisins. Tous les petits peuples des alentours ont des raisons d’appréhender l’avenir.

Devant la foule bigarrée qu’il a sous les yeux, le prophète Isaïe perçoit dans les temps à venir une Jérusalem heureuse d’accueillir « toutes les nations. »
Comment croire une chose pareille ? L’avenir appartient aux minorités créatives. Un petit filet de croyants a relevé le défi et s’est renouvelé au cours des siècles. Effectivement, des sauveurs sont venus mais leur salut n’a toujours été que provisoire. Y aura-t-il un jour un Sauveur dont le travail ne sera pas remis en question ?

Jésus, le Sauveur attendu, est né à Bethléem mais la plupart des gens n’en ont rien vu, à ce point que son passage sur terre s’est terminé de la manière le plus humiliante. Accueilli dans la gloire de son Père, il reviendra sur terre mais par surprise. Soyez prêts !
Et nous voilà intégrés dans le cortège de ceux qui attendent son retour. Le temps de l’Avent nous fait regarder l’avenir en nous invitant à nous mettre à la suite de Jésus.
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Voici maintenant une question. Que se passe-t-il en nous quand nous sommes contraints d’attendre ou quand nous acceptons d’attendre ? Rentrés à la maison, écrivez, si vous en avez le loisir, au centre d’une page blanche le mot attente. Puis entourez-le de tous les mots qui vous viennent à l’esprit, compte tenu de ce que vous vivez.
Pour amorcer le travail, en voici quelques uns :
Absence, insatisfaction. On attend quelqu’un ou quelque chose qui n’est pas là ou qui nous manque. Ces deux mots peuvent être habillés par un sentiment d’inquiétude, d’espérance, de déstabilisation.
A l’origine de toute attente, il y a une parole qui a énoncé une promesse. Accueillie, la promesse allume une confiance qui allume une recherche qui élabore un projet et déclenche un comportement qui se traduit en obligations et en renoncements. Il y a des choses qu’on s’impose et d’autres qu’on ne se permet plus.
L’attente est devenue dynamisme. Parce que nous sommes dépassés par les exigences du projet, la persévérance devient difficile et demande de la patience. Heureux celui qui trouve un guide pour le conseiller et l’encourager sur une route pleine d’imprévus. Heureux celui qui rencontre d’autres personnes qui partagent le même projet.

Notre vie a le goût de ce qu’on cherche, de ce qu’on attend. Nos ancêtres dans la foi ont attendu quelqu’un qui devait venir. Nous, nous attendons quelqu’un qui est déjà
là et qui nous demande de le suivre. On ne peut s’empêcher d’imaginer notre rencontre avec lui. Il faut se faire à l’idée qu’il nous surprendra.
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Voici maintenant quelques unes des réflexions d’un moine d’Orient. (Le visage de lumière, p. 223-226). Elles peuvent accompagner notre attente.
– Celui qui suit le Seigneur doit s’arrêter pour un temps plus ou moins long et fixer son regard sur le visage de Jésus, car, si la force de cette image s’affaiblit ou disparaît, toute action tentée en son nom s’écroule misérablement.
– Heureux ceux qui suivent et qui savent où ils vont ! Heureux ceux dont le pas est pressé et qui voient le chemin conduisant au Royaume !
– Mais heureux aussi ceux qui attendent, ceux qui appellent le Seigneur, ceux qui implorent la venue : Viens ! Viens encore guérir, pardonner, consoler, sauver ! »
– Heureux celui dont le regard s’ajuste au regard du Seigneur sur le monde et, en même temps, ne peut détacher son regard du visage de son Seigneur !
– En ceux qui suivent et en ceux qui attendent commence déjà le second avènement.
_ – L’attente du Seigneur n’est pas statique. Elle n’est pas un repos. Toute vraie attente du Seigneur implique une transformation. L’attente du Seigneur est un arrache-ment. Elle nous arrache à notre terrain, à notre milieu. Elle nous déracine. Elle nous isole. Nous ne voyons plus comme les autres, parce que notre vision porte plus loin. Eux ne savent pas, n’attendent pas.
– Mais, s’il arrive que les autres attendent avec nous Celui que nous attendons, alors la même attente crée entre les cœurs la communion la plus intime.

– Seul celui qui attend le Seigneur est capable d’apprécier l’instant présent, d’en connaître la signification et la richesse. Car il sait placer cet instant dans sa perspective exacte. Il sait le coordonner à la venue du Seigneur. L’attente lui ouvre les yeux et lui fait voir les hommes et le monde tels qu’ils sont dans leur réalité profonde.

– Pour celui qui attend Jésus, chaque instant s’élargit et s’éclaire.
Il s’élargit, car nous le voyons tendre vers la plénitude.
Il s’éclaire, car déjà la présence de Jésus projette sur lui la lumière d’une venue encore plus parfaite.
– Jésus viendra encore, il viendra toujours – jusqu’au second et glorieux avènement. Jésus est venu. Il vient en nous à chaque minute. Et chacune de nos minutes n’a d’autre valeur que cette venue et cette présence de Jésus qu’elle a pu nous apporter.

D. Boëton