1ère lecture : I Rois 19/9a.11-13a+

La rencontre d’Élie avec le Seigneur

9    Là, (Élie) entra dans une caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée. Il lui dit : « Que fais-tu là, Élie ? »

10   Il répondit : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels, et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie. »

11  Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; 12 et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère.

13  Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Alors il entendit une voix qui disait : « Que fais-tu là, Élie ? »

14  Il répondit : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels, et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie. »

A propos de cette lecture :

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Voilà un message destiné à des chrétiens qui sont pris par le découragement , qui connaissent l’angoisse, l’épreuve, la contradiction, ne savent pas comment rencontrer le Seigneur et où le trouver. Pour ces gens Élie est un modèle dans lequel nous pouvons nous retrouver à un moment ou l’autre de notre vie.

Élie, l’homme d’action « rempli de zèle pour le Seigneur » (v.14),  se dépense pour aider son peuple à rester fidèle à Dieu malgré l’opposition des puissants de la société.

Après avoir tout donné dans un grand combat où il vainc les prophètes de Baal, la reine Jézabel ne lui pardonne pas de les avoir tous éliminés brutalement. Jézabel s’est jurée de les venger et de le tuer. Pour sauver sa vie il fuit au désert doutant de lui, du Seigneur. Mais voilà, après la réussite incontestable de son pari, tout s’effondre et le voilà déprimé, dans une détresse profonde à la mesure de sa passion immodérée pour le Seigneur.

Il est anéanti sous le choc de cette nouvelle résistance, bien moindre cependant que la précédente. Il n’en peut plus, il a atteint les limites de ses possibilités humaines, le vide s’ouvre devant lui. Sa vie lui paraît inutile, sans valeur, ni signification. il demande la mort (comme Jonas) : il se couche à l’ombre d’un genêt et s’endort. Et voilà que, dans cette situation d ‘obscurité, Dieu s’occupe de lui, il va le lui manifester d’une manière étonnante. Un messager du Seigneur, un ange l’invite à se lever et à manger et boire ce que Dieu a préparé pour lui et a fait déposer à ses côtés. Il ne semble pas convaincu et c’est par deux fois que l’envoyé réitère son message.

. Dans sa fuite et devant l’effondrement de toutes ses certitudes il demande à Dieu de lui reprendre la vie. « Reprends ma vie, je ne vaux pas mieux que mes pères. »

Terrible épreuve de devoir reconnaître qu’il n’a pas mieux réussi que ses prédécesseurs. C’est là une première étape douloureuse de son voyage initiatique mais étape nécessaire pour être en mesure de le poursuivre car le Seigneur a encore un projet pour lui et pour mettre ce projet en œuvre, il commence par prendre toute la mesure du mal-être de son prophète; il ne l’abandonne pas.  Le Seigneur engage donc son prophète dans un nouvel exode afin de poursuivre avec lui ce qu’il a entrepris avec Moïse.

« Il apparaît que ce soit là  la pointe du récit élianique : le fait que Dieu rencontre réellement son peuple non seulement sur le mode fantastique et redoutable qu’avaient entrevu les ancêtres de l’Exode, mais plutôt d’une manière intime, spirituelle, difficilement saisissable et pourtant  non moins réelle que celle de Moïse » Monloubou dans Feu Nouveau

 

Il est intéressant de remarquer combien l’expérience d’Élie à l’Horeb est semblable à celle de Moïse : une marche de 40 jours, l’eau et le pain fournis par le Seigneur et la théophanie : Dieu renouvelle pour lui les merveilles de la traversée du désert, pendant lequel Dieu a nourri, abreuvé son peuple afin qu’il puisse arriver en Terre Promise.

L’Horeb, c’est là que Moïse  a reçu son appel et sa mission.

C’est à l’Horeb, la montagne de Dieu qu’Élie est appelé. C’est là que le Seigneur lui a donné rendez-vous pour sa nouvelle mission. La mission d’Élie sera d’un tout autre ordre et la manifestation de Dieu se fera d’une toute autre manière : Dieu ne se manifestera pas à tout un peuple mais à Élie seul

Alors se précise l’expérience mystique par laquelle le Seigneur l’avait appelé. Mais voilà que surgit une stupéfiante question qu’il n’attendait sûrement pas et qui est répétée par deux fois : « que fais-tu ici Élie ?«  « Dès son arrivée, Élie doit donc expliquer le but de sa visite et il répond : «  Je suis passionné pour le Seigneur, Dieu des puissances, les fils d’Israël ont abandonné ton alliance. »

« Que fais-tu ici Élie ? » Question qui nous révèle un aspect de la pédagogie divine : le Seigneur ne condamne pas d’emblée son serviteur en lui reprochant de s’être investi d’une autorité qui a débordé le cadre de sa mission mais qui, au contraire, lui laisse entendre qu’il n’a que faire de sa présence au Mont Horeb où seul Moïse y a eu sa place, c’est ailleurs que Dieu a besoin de son serviteur Élie.

On peut imaginer les questions qui doivent se bousculer dans sa tête d’homme en profonde dépression : ne me suis-je pas trompé en agissant comme je l’ai fait ? Pourquoi le Seigneur ne m’a-t-il pas donné raison contre la reine Jézabel ? » Jack

« Élie comprend sans doute alors que si Dieu s’est révélé d’une manière fracassante comme le Dieu des combats et des intransigeances à certains moments de l’histoire d’Israël, comme ce fut le cas au temps de Moïse, linitiative de révéler un tel Dieu ne lui appartient pas. Dans la conversation que Dieu tient avec lui, ni félicitations, ni reproches, rien au sujet du massacre des prophètes de Baal mais un ordre , et la réponse qu’il reçoit de Dieu à toutes ses questions va sans doute le désarçonner:  » va, reprends ton chemin. »  Le Seigneur le remet en route.

. Ce n’est pas non plus dans un décor d’orage que la rencontre se fait mais dans le souffle d’une brise légère. La manifestation de Dieu  ne se limite pas à des phénomènes naturels. La théophanie d’ Elie nous révèle cette nouvelle manière de Dieu de nous manifester sa présence. Il n’est pas présent dans l’orage, ni dans la tempête, ni dans le  tremblement de terre mais dans « le murmure d’une brise légère » (littéralement : « dans une voix de fin silence »).

Il est un Dieu présent et agissant à l’intime de la conscience de son porte-parole : telle est la signification du «bruissement d’un souffle ténu ».

« L’expérience d’Élie nous aide à comprendre et à vivre la prière. Celle-ci peut paraître une réalité qui n’est pas à notre portée. Mais peut-être la prière est-elle beaucoup plus simple que nous ne le croyons. Elle commence quand à l’instar d’Élie, nous nous rendons compte de nos limites et de notre besoin d’entrer en relation avec un Autre… et peu à peu, quelque chose se transforme en nous. Comme Élie, nous recevons la force de retourner dans le monde pour y être des témoins d’un amour dont la puissance se déploie avant tout là où nous sommes le plus démunis. » 2 Un nouveau style de communication de Dieu est inauguré ici : dans le silence d’une relation personnelle.

Nous affirmons trop souvent l’absence de Dieu alors qu’elle est à percevoir, à reconnaître dans « le murmure d’une brise légère ». Au-delà de sa présence continue Dieu ne fait que nous la manifester « en passant »…A nous d’y être attentifs et d’en prendre les moyens comme Élie et tous les chercheurs de Dieu que nous sommes tous.

Voilà comment désormais Dieu se révélera à nous, dans une intimité qui doit guérir tous nos doutes et bannir toutes nos peurs.

Saint Bernard en avait fait l’expérience intime et la partageait en disant que le Seigneur passe mais c’est après son passage que nous en ressentons les signes de son passage et goûtons sa présence au plus intime de nous-mêmes.  Nous ne saurions le saisir mais nous pouvons simplement goûter le bienfait de ce passage, le laisser transformer en nous le désir d’aimer et puiser la force pour notre mission.

Au terme de son expérience de Dieu le prophète est relancé pour retourner accomplir la mission qu’il fuyait : du désert où il avait fui le Seigneur l’envoie pour une mission non moins périlleuse. Il reçoit l’ordre de retourner : il le peut désormais car il n’est plus seul : la présence de Dieu l’habite (v15) pour être présence de Dieu, Parole de Dieu au milieu de son peuple. Telle est l’expérience, la vocation à laquelle tout croyant est appelé.