18ème Semaine du T.O. Daniel 7, 13-16

  • « Je continuai à regarder : des trônes furent disposés, et un Vieillard prit place ; son habit était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête, comme de la laine immaculée ; son trône était fait de flammes de feu, avec des roues de feu ardent.
  • Un fleuve de feu coulait, qui jaillissait devant lui. Des millions d’êtres le servaient, des centaines de millions se tenaient devant lui. Le tribunal prit place et l’on ouvrit des livres.
  • Je regardais, j’entendais les propos délirants que vomissait la corne. Je regardais, et la bête fut tuée, son cadavre fut jeté au feu.

12           Quant aux autres bêtes, la domination leur fut retirée, mais une prolongation de vie leur fut donnée, pour une période et un temps déterminés.

  • Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui.

 14       Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.

  • Moi, Daniel, j’avais l’esprit angoissé, car les visions que j’avais me bouleversaient.
  • Je m’approchai de l’un de ceux qui entouraient le Trône, et je l’interrogeai sur la vérité de tout cela. Il me répondit et me révéla l’interprétation :

17       ‘Ces bêtes énormes, au nombre de quatre, ce sont quatre rois qui surgiront de la terre.

  • Mais ce sont les saints du Très-Haut qui recevront la royauté et la posséderont pour toute l’éternité.’

19       Puis je l’interrogeai sur la quatrième bête, qui était différente de toutes les autres, cette bête terriblement puissante, avec ses dents de fer et ses griffes de bronze, qui dévorait, déchiquetait et piétinait tout ce qui restait.

20       Je l’interrogeai  sur les dix cornes de sa tête, et sur cette corne qui lui avait poussé en faisant tomber les trois autres devant elle – cette corne qui avait des yeux, et une bouche qui tenait des propos délirants – cette corne qui était plus imposante que les autres.

21       Je l’avais vue faire la guerre aux saints et l’emporter sur eux, 22 jusqu’à la venue du Vieillard qui avait prononcé le jugement en faveur des saints du Très-Haut, et le temps était arrivé où les saints avaient pris possession de la royauté.

  • À ces questions, il me fut répondu : ‘La quatrième bête, c’est un quatrième royaume sur la terre, qui sera différent de tous les royaumes. Il dévorera toute la terre, la piétinera et l’écrasera.

24      Les dix cornes, ce sont dix rois qui surgiront de ce royaume-là. Un autre roi surgira ensuite ; il sera différent des précédents, et il renversera trois rois.

25      Il prononcera des paroles hostiles au Très-Haut, il persécutera les saints du Très-Haut, et il entreprendra de changer le calendrier et la Loi. Les saints seront livrés à son pouvoir pendant un temps, des temps, et la moitié d’un temps.

  • Puis le tribunal siégera, et la domination sera enlevée à ce royaume, qui sera détruit et totalement anéanti.

27    La royauté, la domination et la puissance de tous les royaumes de la terre, sont données au peuple des saints du Très-Haut. Sa royauté est une royauté éternelle, et tous les empires le serviront et lui obéiront.’ »

28    Ici finit le récit.

Moi, Daniel, ce que je pensais m’épouvanta fortement et mon visage changea de couleur. Je gardai dans mon cœur ces événements. »

 

A propos de ce texte

 

La lecture de ce dimanche  s’ouvre de manière grandiose à partir du verset 9, sur deux visions de Daniel : celle d’un vieillard assis sur un trône, et celle du Fils d’homme : elle nous livre ensuite l’interprétation qui est en donnée à Daniel.

Daniel est un «voyant ». Il «voit », en face les périls qui font courir à la foi des juifs la « montée de l’hellénisme » et les régimes politiques. Il les voit comme autant de monstres qui défilent sous ses yeux : ils vont et viennent, ils émergent de la mer et s’y noient aussitôt. Leur pouvoir n’est que de passager. Ils sont tous destinés à l’anéantissement. Mais, par ailleurs, face à eux Daniel «  proclame avec force sa foi dans le Dieu des Pères, monothéisme absolu enveloppé de grandeur et de majesté ». Osty

N’est-il pas de texte plus parlant pour nous aujourd’hui que la contemplation de la vision du Fils de l’homme témoignée par le prophète.

Situation du texte dans l’histoire : Le songe de Daniel se fait en relation avec les événements dramatiques que connaît le peuple de  Dieu dans sa vie actuelle en exil : le roi Antiochus Epiphane déclenche, en 164 avant le Christ, une violente persécution, contre les juifs. Dans ces conditions de persécution il fallait d’une part opposer à la sagesse païenne» au nom de laquelle on prétendait helléniser le peuple élu , une sagesse plus parfaite, plus puissante, divine … » Gaide ,  et d’autre part fortifier la foi du peuple  pour qui le Fils d’homme apparaît comme sauveur : non de façon illusoire et irréaliste, car «  les versets suivants ramènent le spectateur sur la terre pour qu’il assiste à l’exécution du jugement divin…c’est le jugement du roi sacrilège, incarnation de l’Anti-Dieu peut-on dire…La Bête c’est bien Antiochus Epiphane… Dans son action persécutrice, le roi de Syrie actualise une des composantes essentielles de l’histoire : la Puissance adverse de Dieu ».

 

Dans le chapitre 7, le songe du voyant présente une série de symboles aux sens opposés. Après les quatre Bêtes qui représentent les empires humains, apparaît quelqu’un  «comme un Fils d’homme » (sans article) : il vient «sur les nuées du ciel » et il est intronisé devant le Vieillard (7/13-14)

La scène est grandiose, elle figure dans beaucoup d’apocalypses ; on apporte des trônes pour un tribunal, un vieillard s’assied. Celui qui juge est décrit sous les traits d’un vieillard (= un vieux de jours) : «  ses vêtements blanc sont  lumineux : ils symbolisent la gloire et ses cheveux blancs l’ancienneté, voire même l’éternité. Les flammes de feu qui forment son trône rappellent les théophanies du buisson  ardent Ex 3,2 et 19,18).

« Le fleuve de feu issu de devant l’Ancien nous ramène également aux théophanies ,où le feu, l’orage, les éclairs sont signes de la présence divine…Les livres ouverts sont ceux où sont enregistrés tous les actes des hommes…Il est suggéré qu’il s’agit d’une audience royale. L’objet de cette audience  est grave : l’intronisation du fils d’homme… »

Passage de grande importance puisqu’il s’agit de la vision du « Fils d’homme », titre  que Jésus revendiquera tout au long de sa vie et que nous retrouvons chez les évangélistes  et qui nous aidera à comprendre ce que le Christ désigne quand il s’attribue ce titre de « Fils de l’homme ».

« Le Fils de l’homme doit  venir dans la gloire de son Père avec les anges » Mt 16, 17-20 et encore en Mt 24,27-30. Alors «  le soleil s’obscurcira, la lune perdra de son éclat, les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors apparaîtra  dans le ciel le signe du Fils de l’homme … Vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite  de la puissance et venir sur les nuées du ciel ». L’appellation « Fils de l’homme » est en effet citée soixante dix fois dans les synoptiques dont 12  fois en St Jean et chaque fois en référence à Daniel et au psaume 8 : «  qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le Fils de l’homme que tu en prennes souci ? ».

 

Fils d’homme est une expression équivoque. Elle évoque « une figure mystérieuse encore imprécise, conçue par l’auteur de livre de Daniel comme la réponse à diverses attentes d’Israël : elle est une synthèse de plusieurs lignes théologiques vétéro-testamentaires, comme aussi la figure du Serviteur de Yahvé. Les deux se complètent ». Gaide dans « Le livre de Daniel ».

Nous ne retiendrons pas les différentes opinions des exégètes à ce sujet et nous nous en tiendrons à celle qui correspond le mieux au sens que Jésus donne dans les évangiles. « Fils de l’homme, c’est l’ensemble du peuple d’Israël  et c’est aussi une personne précise, le Messie qui porte le destin  du peuple. Il  indique à la fois un personnage qui appartient à la race humaine et en même temps répond à l’attente messianique et à l’espérance d’Israël : c’est Lui qui va prendre la tête de son peuple. Dans la conception sémitique la figure du Fils de l’homme ne peut être séparée du peuple dont le chef est solidaire.  Il incarne la collectivité du Peuple Saint du Très Haut qu’il vient libérer de l’oppression dont Balthasar le dernier descendant de Nabuchodonosor à régner sur Babylone, est la figure ». A. Ruelle. Cette prophétie a été proclamée lorsque le peuple humilié avait besoin de réconfort dans sa foi et elle annonce un renversement total de la situation qui sera engagé par un personnage mystérieux appelé « Fils d’homme ».

 

« L’explication du songe donnée au voyant ne dit pas qui est ce Fils d’homme, mais ce que représente  son intronisation : c’est que «la grandeur de tous les royaumes » est donnée au «peuple des Saints du Très-Haut ». Il ne s’agit pas d’une identification du Fils d’homme, simple symbole suggestif, mais d’une interprétation de ce qui lui arrive. » P. Grelot, Cahiers Evangile 79, p.38

« De fait la vision de Daniel représente le Fils de l’homme comme un personnage céleste, proche du Vieillard, littéralement l’Ancien des jours, selon une désignation qui s’applique forcément à Dieu lui-même. En effet, le tableau précédent (v 9-12) ne permet aucune hésitation sur l’identité du personnage. La blancheur éclatante, tant du vêtement que de la longue chevelure, l’environnement de feu embrasant le trône et tout l’espace, avant de s’écouler sous la forme d’un fleuve,  sont autant d’indices convenus pour suggérer la transcendance divine selon les codes du genre littéraire des apocalypses » Feu Nouveau  55-6 pe 92.

Daniel, à ce moment crucial de l’histoire d’Israël voit, dans sa vision, ‘comme un Fils d’homme ‘ qui est conduit vers Dieu qui lui fait remettre le pouvoir universel. Jésus a été annoncé dans cette vision de Daniel : Jésus est le Fils de l’homme, le Messie qui va instaurer le Règne de Dieu par sa mort. C’est pourquoi il dira : «  mon Royaume n’est pas de ce monde ». Son pouvoir  n’écrase personne, il est au service de la vérité, de la connaissance vraie de Dieu. Il révèle Dieu en vérité c.a.d. que Dieu n’est pas ce que les hommes ont tenté et de fait imaginé, mais celui dont toute la vie dira la vérité de Dieu.

 

« Fils d’homme et Fils de l’homme » : quelle différence ?

Daniel parle de Fils d’homme : il veut dire un homme, « mais quand on dit l’homme on pense à l’humanité et du coup Fils de l’homme veut dire l’humanité ». MN Thabut.

En s’attribuant ce titre Jésus veut tout simplement exprimer sa solidarité avec l’humanité dont il porte les aspirations qu’il conduira jusqu’à leur accomplissement. Jésus se réfère à Daniel  lorsqu’il parle de lui-même, disant : «  le Fils de l’homme » à propos de son retour glorieux mais aussi lorsqu’il annonce sa passion et sa mort : «  il commença à leur enseigner que le Fils de l’homme devait beaucoup souffrir. »

 

Le Fils de l’homme est une créature faible qui laisse voir sa fragilité puisque fils d’homme mais elle est appelée à dominer sur les œuvres de Dieu. Ainsi ne pourrait-on pas dire que le Fils de l’homme est le nouvel Adam, solidaire de l’humanité dont il va prendre la tête en devenant le Messie et instaurant le Règne, le Royaume de Dieu par son mystère pascal de mort-résurrection?  St Paul se situe dans la même perspective. Rm.5 Jésus affirmera que sa royauté n’est pas de ce monde. C’est lui qui sera l’Agneau de Dieu. :

 

« On comprend que les premières générations chrétiennes aient été attachées au titre « Fils de l’homme », non seulement pour désigner la royauté divine de Jésus, du point de vue de la foi pascale mais aussi bien pour suggérer que Jésus ait eu pleinement conscience de cette condition et qu’il l’ait lui-même   revendiquée en s’attribuant le titre apocalyptique attesté en Daniel 7 » FN 55-6.

Gaide dit encore : « Si Jésus a véritablement réalisé en sa personne la prophétie du Fils de l’homme, ce n’est pas à l’exclusion des membres du peuple de Doei, du peuple des saints ; bien au contraire ils seront associés à sa gloire après l’avoir été à sa passion ».

Dieu n’abandonne pas son peuple, il prépare un autre type de Royaume et de Royauté.

C’est ce que Jésus nous révèle dans l’Évangile de ce jour. Il est venu rendre témoignage à la vérité : voilà les armes de son Royaume. C’est justement parce qu’il « veut être un roi humble, pacifique que le peuple se venge de lui en le ridiculisant et en le condamnant » P. Gruson