15ème Dimanche du T.O. –A

Isaïe 55, 10-11                                                         Romains  8, 18-23                                                       Matthieu 13, 1-23

 

Tout peuple finit par arriver au bout de la route qu’il a choisie de parcourir.

On peut raconter ce qui est arrivé à la ville de Jérusalem, au 8ème s av. J.C., en s’inspirant de l’évangile. La société de ce temps-là ressemblait à la société de tous les temps et donc à la nôtre.

 

* Parmi les citoyens, les uns sont au bord du chemin. Ils y sont parce qu’ils ont choisi d’y être. Ils ont entendu la Parole de Dieu mais, aspirés par la perspective d’une réussite humaine, ils ont décidé de ne pas s’intéresser à ce qu’ils appellent des balivernes.

Notre comportement à l’égard de la Parole de Dieu est-il parfaitement clair ? N’y au-rait-il des exigences de la foi que nous mettons sur le côté de notre route ?

* D’autres ont le cœur qui ressemble à un sol pierreux. Pour construire leur vie, ils ont choisi leurs repères. Leurs convictions sont bien arrêtées, incontestables. Toute re-mise en question est inimaginable.

* D’autres sont comme étouffés, engloutis sous la masse de projets qui s’enfilent les uns derrière les autres. Ils brassent des affaires à longueur de journées. Pour eux, la vie est fatigante mais passionnante. Leur objectif est d’être le N°1 dans leur catégorie professionnelle. Etre le N° 1 ne veut pas dire être le plus humain parmi les humains mais être le plus puissant dans le monde de leur temps.

* D’autres enfin sont la bonne terre qui accueille la semence. Ils sont peu nombreux mais ils existent. Le prophète Isaïe est de ceux-là.

 

A Jérusalem, une telle société ne peut pas durer. Isaïe, annonce la fin de la récréation. Sans succès. Qui aurait la stupidité d’écouter un prophète de malheur, quand le plaisir est à portée de la main ? Mais voilà qu’un jour, les troupes chaldéennes (Irak du sud) conduites par Nabuchodonosor se mettent en marche et envahissent toute la région. Le petit royaume de Juda n’est pas en mesure d’arrêter l’invasion. Une bonne partie de la population de Jérusalem est déportée à Babylone.

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En exil, un de ces déportés prend le relais du prophète Isaïe. Dieu avait annoncé la catastrophe. Elle est arrivée, mais il continue d’aimer son peuple et donc il travaille à le rendre apte à vivre à nouveau dans la Terre qui reste Promise. La première étape de la rééducation va consister à écouter la Parole de Dieu avec de nouvelles oreilles. Ayant identifié ses dérives, le peuple pourra se lancer dans la construction d’un avenir nouveau. Cela va demander plusieurs générations.

 

Le disciple du prophète Isaïe compare la Parole de Dieu à la pluie et à la neige qui descendent des cieux. Pas d’eau ! Pas de vie ! Sans eau, la meilleure des terres est stérile ; avec l’eau, la plus modeste des bonnes terres donne du fruit.

Grâce à cette pluie, le grain de blé jeté en terre par le semeur devient du pain sur la table de celui qui doit manger. La parole de Dieu, jetée au hasard des rencontres humaines, ne donne rien en ceux qui sont satisfaits d’eux-mêmes. Elle donne la vie aux chercheurs de vérité. Une route vers la liberté peut s’ouvrir.

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La parabole du semeur est bien connue. J’en relève quelques aspects :

  1. Aucune vie humaine ne peut se reconnaître exclusivement dans l’un ou l’autre des échantillons de terrains que décrit Matthieu. Ils se trouvent tous, plus ou moins, dans chacune de nos vies. L’évangile nous invite à en prendre conscience, en n’oubliant pas qu’il y a dans toute vie humaine, même la plus lamentable, un coin de bonne terre disponible pour accueillir une graine de vie qui ne demande qu’à donner du fruit. Cet-te bonne terre n’est peut-être pas très grande mais elle existe.

 

  1. Que Jésus parle en paraboles étonne les disciples. Il justifie sa façon de faire.

« Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. »

Ce n’est pas flatteur pour l’auditoire mais la pédagogie de Jésus nous interroge. Ce qu’il dit éveille en moi le souvenir d’un monsieur très bien qui disait : « Ce journal est un très bon journal. Il pense comme moi. » Ce monsieur très bien est monsieur Tout le monde. Souvent nous regardons seulement ce que nous avons envie de voir et nous écoutons seulement ce que nous avons envie d’entendre. Couper la parole dans un débat, est un sport qui a beaucoup de pratiquants.

Notre besoin de sécurité nous enferme dans les idées qui nous sont familières et nous avons du mal à écouter une parole neuve qui nous inviterait à changer quelque chose dans notre regard ou notre façon de vivre. Nous jugeons des choses et des gens à partir des repères que nous avons nous-mêmes élaborés et qui nous rassurent.

  1. Une même parole change la vie de celui-ci et ne change rien dans la vie de celui-là.

Pour certains, une parole d’évangile pénètre très tôt dans la vie, On peut penser à Ste Thérèse de l’Enfant Jésus. Pour d’autres, elle est entendue après bien des avaries. On peut penser au Bienheureux Charles de Foucauld. Il faut débroussailler avant de se-mer, il faut repérer les futilités qui nous encombrent. Il suffit d’avoir fait un déménagement dans sa vie pour réaliser que nous avons conservé bien des choses inutiles. Qu’y a-t-il d’inutile dans notre tête et dans notre cœur ?

 

  1. Toutes ces réflexions ne nous donnent pas envie de pavoiser. L’évangile nous invite à ne pas nous tromper d’objectif. Dans un monde sans Dieu, il nous est demandé d’accueillir sa Parole dans la bonne terre de notre vie et de la laisser faire son travail. C’est un chantier « longue durée » rempli de toutes sortes de difficultés.

Dans sa lettre aux Romains, Paul nous encourage : « Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. » Tout peuple finit par arriver au bout de la route qu’il a choisie de parcourir.

 D.Boëton