Homélie du 14e Dimanche T.O. A

Zacharie 9, 9-10                                                    Romains 8,9, 11-13                                                Matthieu 11, 25-30

 

En ce temps-là, au Moyen-Orient, les empires s’éliminent les uns après les autres au fil des siècles et le peuple de Dieu est toujours colonisé par l’un ou l’autre. Pour l’instant, c’est Alexandre le Grand qui domine. Dans un climat de déprime, le texte du Li-vre de Zacharie annonce aux gens de Jérusalem des temps meilleurs.

« Exulte de toutes tes forces, fille de Sion.» Dans la traversée des moments difficiles, il faut du courage, pour dénicher au tréfonds de soi-même une raison de vivre. « Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem. » Difficile à entendre !

 « Voici ton roi qui vient vers toi. » Le roi attendu sera enfin issu du peuple de Dieu. Il vient en personne vers son peuple. Il n’est pas encore arrivé mais il est en route.

Une raison de vivre n’a pas de racines dans ce qu’on possède déjà, mais dans ce qu’on attend. Une raison de vivre s’appuie sur une espérance éveillée par une pro-messe. « Voici ton roi qui vient vers toi. »

« Il est juste et victorieux » Etre en même temps juste et victorieux, est-ce possible ? Quand on veut triompher, tout est bon pour éliminer les adversaires ou les concurrents. Aujourd’hui comme hier, on dit qu’il faut les battre. Est-il toujours certain que nos victoires n’ont jamais écorné la justice ? Le roi qui vient établira la paix non seulement en Israël, mais dans toute l’humanité en même temps. Le mot « ennemi » aura disparu des dictionnaires et des conversations. « Il est juste et victorieux. »

 « Il est humble » Ce qu’on attend d’un chef c’est qu’il manifeste sa capacité d’imposer son autorité. Instinctivement, un chef crée la distance avec ses subordonnés. Les marques de respect sont codées et obligatoires. On se tait quand il parle. Or ce roi qui va venir sera comme Monsieur Tout le monde, abordable par n’importe qui. Son souci n’est pas l’apparence ou l’apparat. « Il est humble. »

« Il vient monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. » S’il n’a pas les moyens de se payer un cheval et de le maîtriser, que pourra faire ce roi sur un champ de bataille ?

Venir monté sur un âne ! Voilà une posture provocante qui révèle sa méthode. Il ne vient pas en conquérant. Avec son autorité naturelle, il ouvrira, à son peuple et à tous les peuples, un chemin qui conduit à la paix. Le texte parle de domination. Elle n’au-ra rien de vexatoire. Elle sera respectueuse de la dignité humaine. Quand il y aura des sanctions, elles seront éducatives.

Un tel message, en notre époque incertaine, fait rêver d’un avenir où les marchands d’armes, complètements ruinés iront à Pôle Emploi chercher quelque CDD pour sur-vivre parce que tous les chars de combats, devenus inutiles, seront en train de rouiller dans des hangars pleins de toiles d’araignée. « Il vient monté sur une âne ! »

Ce texte du livre de Zacharie sera cité par les Évangiles de Matthieu et Jean pour décrire l’entrée royale de Jésus à Jérusalem, quelques jours avant sa Passion.

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Jésus est-il vraiment ce roi attendu ?

Matthieu nous le présente dans une situation difficile. « Est-il celui qui doit venir ? »  (Mt 11, 3) Il est confronté aux interrogations inquiètes des disciples de Jean-Baptiste, à l’opposition claire de ses adversaires, à l’incrédulité des villes de la Galilée. Aurait-il eu du mal à trouver les mots justes qui entrainent l’adhésion ?

Il s’est adressé à des gens réfléchis qui affrontent la complexité des situations de leur temps. Pour faire face, ils ont bricolé les repères qui leur conviennent. Ils n’acceptent pas qu’un prédicateur de passage bouscule leurs convictions. De son côté, Jésus expérimente les limites de la condition humaine. A-t-il su s’y prendre ? Il dépasse ces blocages en s’adressant à son Père. Matthieu nous introduit dans l’intimité de Jésus en prière. « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange. »

Quelques remarques :

* Du cœur de Jésus s’échappe une prière de louange, un cri de joie, une confession de foi, un hymne de jubilation. Quand nous traversons des moments difficiles, est-ce ainsi que nous commençons notre prière ?

* La toute puissance du Père n’est pas atteinte par les difficultés du Fils. Entre le Père et le Fils l’harmonie n’est pas abîmée.

* Nous voilà invités à nous situer à notre juste place devant Dieu, à cultiver l’humilité du cœur. Quand on a atteint une situation qui nous rend repérable dans la société, on peut se satisfaire de tourner en rond dans un réseau de relations fermé sur lui-même. Nos compétences sont-elles uniquement au service de notre réussite personnelle ?

* La vraie grandeur est celle que Dieu accorde. Celle que donnent les hommes se paie et reste provisoire. Jésus a conscience d’une chose : ce qu’il est, il l’a reçu. Il ne peut s’en glorifier. Tout lui a été remis par son Père. Cette conviction l’établit dans une paix que rien ne viendra troubler.

En envoyant ses disciples en mission, il les a avertis : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. » (Mt 10,16). Aujourd’hui, il dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi, je vous procurerai le repos. »

Si nous entrons dans le combat de Jésus, nous partagerons sa peine mais aussi sa sé-rénité. Quand notre fardeau est posé sur ses épaules, il devient léger.

 

Le Psaume 144 dit :

« La bonté du Seigneur est pour tous,

sa tendresse pour toutes ses œuvres. »

Et St Paul nous invite à vivre sous l’emprise de l’Esprit qui habite en nous